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3 février 2010 - Cinéma - Graffiti - Paris

La rue Palatine contre-attaque

Une plaque de la rue Palatine, dans le 6e arrondissement de Paris :

Une autre, contre l'église Saint-Sulpice :

Un « P » ajouté de manière grossière par un fan de Star Wars, et la plaque de rue célèbre désormais, pas très loin du Sénat, le sénateur puis dictateur Palpatine. Le père de Dark Vador (père lui-même de qui vous savez) possède désormais sa rue en plein Paris.

Cette rue est en réalité consacrée à une princesse Palatine.

L'homme cultivé connaît peut-être les Lettres de la princesse Palatine (mais probablement pas celle-ci, sauf s'il est lecteur des Goncourt ou du moins internaute). Cette princesse allemande est venue épouser le frère de Louis XIV. Tandis que son mari la négligeait quelque peu au profit d'affections plus masculines, son beau-frère, par deux fois, commettait dans son Palatinat natal des ravages qui indignèrent l'Europe. Aujourd'hui, Charlotte-Élizabeth est plus célèbre que son mari et plus populaire que son beau-frère grâce à ses lettres qui décrivent avec vivacité, humour ou mélancolie la vie d'une princesse exilée à la cour de Versailles.

Mais la rue Palatine n'est pas nommée en l'honneur de cette Palatine-là. Car cette princesse n'est pas la seule qu'un prince français est allé chercher en Rhénanie pour en faire son épouse. La rue Palatine, c'est donc Anne de Bavière, cousine germaine de Charlotte-Élizabeth et femme du prince de Condé, lui-même cousin éloigné de Louis XIV. Elle habitait le Petit-Luxembourg, qui fait aujourd'hui partie du Sénat, et a fait établir dans la rue Garancière, à l'usage des Parisiens, une fontaine qui porte toujours son nom.

Une troisième Palatine, parmi d'autres encore, fut la mère de celle-ci, Anne de Gonzague, forte personnalité qui prit part aux intrigues de la Fronde. Anne de Gonzague est la princesse Palatine des Mémoires du Cardinal de Retz ; la princesse Palatine de Saint-Simon est plutôt Charlotte-Élizabeth.

Si la princesse Palatine a donc de nombreux visages, le Palatinat lui-même est ambigu. Il s'agit ici du Palatinat du Rhin, territoire de l'un des comtes palatins de l'empire carolingien puis du Saint-Empire romain germanique. Un autre de ces comtés est devenu, côté français, la Franche-Comté. Ces comtes étaient attachés à des palais impériaux.

On peut, enfin, suivre la trace du mot « palais » jusqu'au mont Palatin de Rome, siège de la demeure d'Auguste, qui désigne les palais impériaux.

En résumé : un jeu de mots sur un empire de fiction détourne le nom d'une rue qui désigne, par métonymie, une princesse dont le titre, hérité d'un comté impérial, dérive d'un type de construction qu'une synecdoque nomme d'après la colline sur laquelle la légende situe la fondation de Rome.

Une telle filiation n'est guère surprenante : Star Wars, avec son Sénat, son Empire aux contours incertains et ses guerres incessantes, n'est autre, après le Saint-Empire romain germanique, qu'une nouvelle résurgence du modèle de l'Empire romain.

Publié par thbz le 03 février 2010

2 commentaire(s)

1. Par Détails  (04 février 2010) :

Les passants quotidiens ont tellement perdu l'habitude qu'ils ne s'intéressent plus à l'histoire des rues. Les touristes cherchent le visible et l'habitant le vécu, l'histoire des noms de rues reste un vaste inconnu. Drôle d'histoire, à mi-chemin entre humour et vérité...

2. Par thbz  (06 février 2010) :

Certains passants croient sans doute qu'il y a un palais rue Palatine...

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