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15 janvier 2009 - Cinéma

Slumdog Millionaire

Un film, c'est plusieurs arts réunis, plusieurs sources d'émotion portées par un seul véhicule. On aime se soumettre à la puissance d'une histoire formidablement agencée, sentir la présence physique des acteurs, contempler un paysage ou un milieu social, lire l'histoire d'un pays, d'un continent.

Voilà, je parle bien de Slumdog Millionaire (Golden Globe du meilleur film dramatique), réalisé par Danny Boyle (Golden Globe du meilleur réalisateur). Le scénario est fabuleux (Golden Globe du meilleur scénario) et les barrières qui retiendraient encore le spectateur sont abattues par une musique irrésistible d'A. R. Rahman (Golden Globe de la meilleure musique).

Il n'est pas conseillé de lire la suite si on souhaite voir le film.

Quelques notes en passant :

- un scénario vertigineux basé sur trois lignes parallèles : celle des policiers qui interrogent le jeune homme, celle du jeu télévisé, celle de la vie passée du héros. Les policiers cherchent à savoir comme un gosse sans éducation a pu répondre à toutes les questions d'un jeu télévisé : la clé est dans son enfance et dans son adolescence. L'interrogatoire des policiers reflète celui du présentateur télé la veille (premier flash back), tandis que les réponses du jeune homme aux policiers et, en parallèle, au présentateur, renvoie aux événements de sa vie passée (deuxième flash back).

- une histoire picaresque, pleine de rebondissements qui permettent à l'enfant du bidonville qui passe par la mendicité, l'errance dans les trains à travers le pays, les combines, le Taj Mahal, les gangs, les cuisines d'un resto, les chantiers de construction du Mumbai contemporain, les centres d'appel téléphonique. Un film-Inde (et je repense, sans mettre ces deux films à égalité, à Mother India, chef d'œuvre absolu des années 1950), ou du moins un film-Mumbai.

- Imaginons un occidental fasciné par l'Inde et qui décide de faire un « hommage » au cinéma de Bollywood. Boyle a eu la bonne idée de ne pas s'y risquer : Bollywood, c'est un savoir-faire, ça ne s'improvise pas. Il a fait ce qu'il sait faire : un film populaire, rapide, excitant, enthousiasmant même. Pas de danse, pas de chanson, pas de mélange des genres, pas de scènes interminables dans des palais imaginaires entre des personnages aussi branchés que qu'une centrale EDF. Des Indiens, mais des pauvres (et il en rajoute dans la misère), non pas ceux qu'on voit, tristes et révoltés, dans les films de Ken Loach, mais plutôt des pauvres pittoresques et aventureux, à qui tout peut arriver.

- Et pourtant, il y a du Bollywood dans Slumdog Millionaire, à un niveau plus profond. Notamment dans l'approche des flash backs, où les questions du présentateur télé évoquent chez le jeune homme les moments décisifs de sa vie, qui lui apportent la réponse à travers le temps, sa vie et l'histoire moderne de l'Inde. Comme ces échos des films de Bollywood où l'aspect d'une cheville (Pakeezah) rappelle à un homme celle qu'il a aperçue un jour dans un train, ou bien ces émergences du passé dans Kuch Kuch Hota Hai). Il y a du Bollywood dans cet amour impossible qui revient par une succession de hasards ; dans le happy end obligatoire, là où un film purement occidental de série A aurait pu être tenté de finir par un échec (qui, toutefois, aurait réuni les deux jeunes gens).

- le générique de fin, pour un renversement des rôles. Alors que pendant tout le film la jeune femme avait paru trop belle pour le jeune homme quelconque, une scène finale en forme de clin d'œil les fait danser dans le plus pur style Bollywood sur un quai de gare ; et le jeune homme timide se révèle un excellent danseur aux mouvements précis et vifs, crevant l'écran et faisant passer au second plan sa partenaire moins habile de son corps. (écho personnel aux Demoiselles de Rochefort, où de la même manière Catherine Deneuve, meilleure actrice, cède dans une unique scène la première place sur l'écran à Françoise Dorléac, meilleure danseuse).

Publié par thbz le 15 janvier 2009

6 commentaire(s)

1. Par Suricat  (17 janvier 2009) :

J'ai lu le livre complètement par hasard en septembre. Et quand je dis par hasard, je précise que ma méthode de choix d'un livre est généralement... sa taille. Certes, s'il est mauvais, je galère parfois, mais s'il est bon, le plaisir est plus long. Et avec ce bouquin, mon critère de longueur a également été comblé par le titre : "Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire", ça vous place un auteur...

Tout ça pour dire que j'ai été complètement séduit par ce libre, et en particulier par cette Inde si peu racontée, moderne mais tellement ancrée dans son histoire, loin des clichés occidentaux et pourtant tellement sous son influence (ne serait-ce que par exemple la simple existence de "who wants to be a millionaire" exporté à travers le monde entier !).

Et cet anti-héros, au coeur d'une aventure qu'il ne maîtrise jamais, qui reste frais dans des aventures parfois sombres, est on ne peut plus séduisant.

Quelle bonne surprise de voir la sortie de cette adaptation au cinéma et, ton billet a conforter mon désire : fait rare, j'ai hâte d'aller dans une salle le voir.

2. Par thbz  (17 janvier 2009) :

Il paraît que l'adaptation ne suit pas littéralement le roman, au moins pour la manière dont l'histoire est racontée. Donc tu risques d'avoir des surprises.

Pour l'anecdote, le titre du jeu s'inspire d'une chanson de Cole Porter dont le texte correspond bien à l'histoire du film : « Who wants to be a millionaire? I don't. ... And I don't 'cause all I want is you. »

3. Par S.  (23 février 2009) :

Ça y est, les oscars sont révélés. Et tout en n'étant pas un spécialiste, ta prédilection pour ce film a été récompensée... :)

4. Par thbz  (23 février 2009) :

Oui. Le film a reçu trois des quatre Oscars consacrés à la bande-son, ce qui n'est pas vraiment surprenant...

5. Par vera gardoni  (23 juillet 2009) :

un livre excellent aussi "la citée de la joie" (de Dominique LAPIERRE)
dont un film a été tiré également(je ne l'ai pas vu)
l'auteur du livre est extra-ordinaire, un train hôpital financé de par les royalties du livre et de dons parcourt une Inde plus à l'aise dans ses rails et traverses sinueux que sur ses routes, pour aller à la rencontre des villages et des malades. antérieur à Smal... mais tout aussi charismatique belle aventure humaine réelle...
cordialement.
V.

6. Par Tina  (26 décembre 2009) :

J'ai vu le film c'est super bien !!!
Surtout la musique "Jai Ho" de A.R.Rahman.
Je n'ai pas lu le livre , mais je vais le lire maintenant.

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