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12 janvier 2010 - CinémaImages armées et images innocentes
Rohmer est peut-être le seul cinéaste prolifique dont j'ai vu tous les longs-métrages ; il fait partie, seul Français, des auteurs dont les films me donnent l'impression de retrouver ma maison cinématographique ; les autres sont Bergman, Hitchcock, Ozu... Ses films sont eux aussi des images en conserve, mais ils ont été conçus pour cela et ils lui survivront. Ils seront toutefois un peu moins incarnés ; l'idée que l'auteur des images que l'on regarde se promène peut-être dans la rue qui passe à côté du cinéma, que peut-être un jour on aura l'occasion de bavarder avec lui, ne pourra plus être rêvée.
Rohmer est mort. Hier soir à la télévision, ce matin à la radio, aujourd'hui dans le journal, et encore sur Dailymotion (partout il dit à peu près la même chose) un acteur doué d'un sens rare de la parole a fait, comme on pouvait l'attendre, le meilleur hommage au cinéaste. Luchini est toujours brillant sur les plateaux. Son génie est de faire passer un message toujours un peu plus culturel (jamais trop) que le niveau moyen de l'émission dans laquelle il intervient, message qu'il enrobe dans des mots clairs et un jeu de parole qui capte l'attention par la diversité. Le spectateur est satisfait de s'être diverti à ce qu'il a perçu comme un spectacle d'une certaine qualité. Luchini peut répondre à un critique des Cahiers du Cinéma comme à Michel Drucker. Clown chez celui-ci, pénétrant (mais pas trop) chez celui-là.
Pour l'hommage à Rohmer, exercice indispensable, il ne choisit pas le lyrisme mais la précision et la justesse de ton : le journaliste l'interroge sur l'influence qu'a eu Rohmer sur lui, il répond d'un mot rapide et dévie sur le système économique des films de Rohmer, sur le rapport profond de celui-ci à la littérature. Voilà, se dit-on, on n'aurait pas pensé à dire cela et pourtant c'est exactement ce qu'il fallait dire. Son art de la parole est pourtant de ceux qui ne résistent guère à la mise en conserve. Les films durent plus.
Luchini, à la télévision comme à la radio et dans le journal, prononce une phrase étrange :
« Alain Bergala a dit un truc que j'ai trouvé juste : dans une époque d'images armées, il était le seul dont les images sont innocentes. »
En fait à la télévision il n'a pas réussi à retrouver le nom de l'auteur de cette citation, à la radio il a seulement cité « un critique des Cahiers du Cinéma ». Peut-être le nom d'Alain Bergala a-t-il été ajouté par le journaliste qui a recueilli ses propos.
Peu importe. La vraie question est : que veut dire cette phrase ? A-t-elle réellement été prononcée ?
Je ne sais pas.
J'ai beau chercher et faire varier les mots-clés, je ne trouve pas sur Internet une source à cette citation. Je réessaierai un peu plus tard, peut-être Google aura-t-il trouvé l'explication sur quelque blog et l'aura-t-il mise à ma disposition. Il n'y a pas encore tout sur Internet, ou je ne sais pas encore le trouver. Cette citation prise hors de son contexte, à l'authenticité fragile, demeure énigmatique.
Publié par thbz le 12 janvier 2010
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