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18 juin 2010 - CinémaLes Moissons du ciel et Booz endormi
Les Moissons du ciel (Terrence Malick, 1978) raconte à peu près la même histoire que Booz endormi de Victor Hugo : un riche propriétaire ; une jeune femme qui vient travailler dans ses champs ; elle essaie de lui plaire pour l'épouser ; c'est un homme bon.
Le riche exploitant est proche de la mort : parce qu'il est malade chez Malick, parce qu'il est vieux chez Victor Hugo. Chez Malick la femme complote avec un amant pour capter l'héritage du fermier ; chez Victor Hugo la femme semble simplement accomplir la volonté divine, mais la Bible explique que la jeune veuve Ruth est poussée par sa belle-mère à trouver un nouveau mari en Booz, parent éloigné.
La trivialité de l'intrigue n'est toutefois, pour le film comme pour le poème, qu'un point de départ pour construire en quelques plans,
en quelques vers,
une nature unifiée, dans laquelle hommes et bêtes, arbres, outils même
se rejoignent dans une vibration commune,
une sensibilité identique au passage du vent et des saisons,
à l'illumination du soleil couchant.
... L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément.
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz qui dormait,
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait ; l’herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C’était l’heure tranquille où les lions vont boire...
Malick a-t-il pensé à ce poème ? D'autres en tout cas ont fait le rapprochement entre le film et les « moissons du ciel » décrites à la fin du poème, dans la dernière et la plus précise des allégories sexuelles d'un poème qui n'en manque pas :
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait à l’occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.
Le film et le poème atteignent des sommets dans la représentation de la nature. Au niveau des Moissons du ciel, je ne vois guère que Murnau (encore une histoire de femme de la ville qui vient séduire un fermier). Booz ne peut se comparer à rien d'autre.
Publié par thbz le 18 juin 2010
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