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10 juin 2013 - BanlieueAutour de Paris, autour de Séoul
À Paris comme à Séoul, le cœur de la métropole est entourée d'une vaste zone de plusieurs dizaines de kilomètres qui est urbanisée par blocs. Des morceaux de ville sont entourés par des champs et des bois.
Ainsi, que l'on prenne le RER à Paris ou la ligne 1 du métro de Séoul en direction du sud, au bout d'une demi-heure environ on commence à traverser des champs, puis des zones habitées, puis d'autres champs, d'autres zones habitées pendant longtemps encore, sans vraiment quitter la métropole : les gens qui vivent ici travaillent encore dans l'agglomération centrale. Comme le dit l'INSEE, on est dans le périurbain.
Ce point commun entre les deux métropoles m'intrigue tout autant que la différence radicale entre les paysages produits dans ces zones.
En France, le phénomène périurbain, abondamment analysé par les géographes, les sociologues, les urbanistes, jusqu'à faire l'objet d'un numéro d'Esprit il y a quelques mois, est expliqué par Éric Charmes dans La Ville émiettée :
- des propriétaires ruraux proches d'une métropole saisissent l'occasion de vendre une petite partie de leurs terres à des citadins qui, eux, veulent quitter leur banlieue et habiter à proximité immédiate de la campagne ;
- au bout de quelques années, les nouveaux venus sont devenus majoritaires ou presque dans le conseil municipal. Ils souhaitent conserver le cadre de vie qu'ils sont venus chercher ici et bloquent donc tout nouveau projet d'urbanisation, alors que les propriétaires de terrains seraient prêts à continuer à vendre des terres à de nouveaux arrivants ;
- la commune n'ouvre donc plus guère de terrains à l'urbanisation, sauf dans la mesure nécessaire pour conserver certains services tels que l'école. L'urbanisation se poursuit alors dans la commune suivante, un peu plus loin encore de l'agglomération centrale.
Voilà donc, de manière un peu schématique mais convaincante, comment se produit cet étalement urbain qui caractérise depuis quelques dizaines d'années les grandes métropoles françaises. Il résulte directement de la capacité de chaque commune à promouvoir dans un premier temps, puis à restreindre ensuite, l'urbanisation de son territoire. Si la compétence d'urbanisme appartenait au canton, au département ou à la métropole dans son ensemble, on imagine que la forme de la ville dans ses territoire périurbains serait très différente.
Or en Corée, la situation institutionnelle n'est pas du tout la même. Les municipalités sont beaucoup plus vastes : au moins 50 000 et souvent 100 000 à 500 000 habitants, contre quelques milliers à peine en moyenne pour les communes périurbaines françaises. De plus l'État conserve des moyens de pression plus importants par rapport aux communes françaises, qui disposent de la compétence d'urbanisme et d'une autonomie consacrée par la Constitution.
On pourrait donc s'attendre à ce que l'urbanisation prenne d'autres formes qu'en France. Par exemple, les logements pourraient être plus concentrés et non pas parsemés ici et là à travers la banlieue sans ordre apparent.
Or ce n'est pas le cas ; on voit des champs, des zones maraîchères pas très loin des stations de métro. Des blocs d'immeubles très denses alternent avec des terrains vagues, des espaces sous-utilisés dont on peine à comprendre l'existence persistante.
Ce n'est pas en raison de l'attrait paysager de ces zones agricoles assez mornes, qui voisinent avec des commerces, des usines, des dépôts de ferraille : on imagine mal que les riverains se mobilisent pour qu'elles soient conservées. Non seulement ils auraient peu de poids face à l'éloignement et à la taille de l'administration, mais je ne crois pas qu'ils y soient véritablement sensibles, ni qu'ils choisissent ces zones périurbaines pour la qualité de leur environnement. Cela demanderait bien sûr à être confirmé.
Donc pourquoi deux systèmes aussi différents produisent-ils un étalement urbain finalement assez comparable ? quels mécanismes, mettant sans doute en jeu les stratégies des promoteurs et celles des administration, produisent-ils cette urbanisation par morceaux autour de Séoul, négligeant des espaces vides ici pour aller construire plus loin un tanji ?
En attendant de le découvrir, j'ai pris le RER pour aller jusqu'à Dourdan, terminus (ou presque) de la ligne C.
Dans cette direction, on ne quitte pas l'agglomération avant Brétigny, à trente kilomètres de la BNF. Journal de voyage.
Après Brétigny : premier champ à gauche, isolé.
Après Arpajon : à gauche, une serre, peu visible car masquée par une haie d'arbres. Une pancarte : « Vente de fleurs ».
Tissu urbain toujours homogène : maisons individuelles plus ou moins grandes et belles, terrain et jardin plus ou moins vastes et plus ou moins bien entretenus.
Puis un lotissement de petites maisons identiques en construction, en bordure de champs de taille moyenne, puis un bois : on est enfin sorti de l'agglomération avant la gare de Breuillet — Bruyères-le-Châtel.
Champs un peu inondés par une rivière proche, chemins de promenade, coteaux, quartiers de jolies maisons : paysage apaisé qui invite à la promenade.
Gare de Breuillet-Village.
Centre de logistique à droite. Autres champs bordés de bois, lotissements groupés. Beaucoup d'arbres qui, alignés le long de la voie, empêchent de voir au loin, ou bien, éparpillés dans le paysage, cachent en partie les maisons et donnent l'impression que la région est plus boisée et moins urbanisée qu'elle ne l'est en réalité.
Gare de Saint-Chéron.
Lotissements, champs, arbres et bosquets, sur fond de colline couverte d'arbres. Une serre entourée de maisons.
Gare de Sermaise.
Tissu urbain continu. Maisons, lotissements, grandes surfaces commerciales. Lotissement récent, déjà habité.
Arrivée à Dourdan.
Montée au donjon du château de Dourdan. De tous les côtés : une agglomération assez compacte, ou plus exactement homogène, avec des maisons basses et des arbres qui souvent les masquent en partie, bordée par des champs et une ceinture de collines couvertes d'arbres qui ferme le paysage. Paysage typique de l'Île-de-France.
Très différent de la grande couronne de Séoul où, à une distance équivalente du centre de l'agglomération, les blocs d'immeubles de quinze étages alternent avec des champs, des terrains vagues et des zones maraîchères beaucoup plus visibles.
Cette promenade n'explique pas grand'chose.
Il en ressort toutefois que l'absence d'arbres dans les plaines et les zones urbanisées autour de Séoul est un élément fondamental de la perception qu'on peut avoir de cet espace. En effet, sans rideaux d'arbres tout devient visible, aussi bien les entrepôts que les serres, les décharges, les commerces, les zones habitées.
Dans la grande couronne parisienne, au contraire, les arbres omniprésents jettent un voile au moins partiel sur les équipements industriels, les terrains vagues, les serres. Lorsqu'on quitte la banlieue où tout est visible, les arbres périurbains contribuent à unifier le paysage et à l'apaiser. Ils cachent ce qui est proche et qu'on n'a pas envie de voir tout en laissant voir, au loin, les collines.
Et pourtant on n'ignore pas les vertus des arbres en Corée : on les utilise même avec grâce dans l'antique tradition paysagère confucianiste. Mais seulement dans les endroits exceptionnels, les lieux où l'on se rend en visite pour admirer un point de vue : jardins, temples, montagnes, cimetières — et non pas dans les territoires de la vie quotidienne.
Publié par thbz le 10 juin 2013
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7 commentaire(s)
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