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8 décembre 2004 - Cinéma

L'Aurore de Murnau

L'Aurore, c'est un film de Murnau qu'on peut voir ces jours-ci en salle. C'est aussi un miracle de cinéma. Beauté absolue des images, des personnages, des situations. Totale maîtrise de chaque plan (cadrages, lumière), de chaque séquence (rythme, mouvements) et de l'évolution dramatique dans son ensemble.

Et par-dessus cette fascinante perfection formelle, qui est aussi celle de Mizoguchi ou de Sokourov, une puissance émotive qu'aucun autre film n'a jamais égalée. Je ne connais pas de scène plus parfaite que la venue à la ville de la jeune femme détruite par le meurtre dont elle a failli être victime et de son mari détruit par le meurtre qu'il a failli commettre. Du lac silencieux à la ville tumultueuse, de la nuit solitaire à la nuit enfiévrée, de la mort spirituelle de deux êtres à leur union renouvelée dans une église, des visages qui se fuient aux visages qui se confondent, c'est un immense frisson qui traverse la salle de cinéma. Seule la musique a, parfois, ce pouvoir-là.

Ce n'est pas un film d'acteurs. Dans les films d'acteurs on admire la performance d'un individu (Nicholson) ; parfois on contemple sa beauté pure (le dernier film de Nicole Kidman). Dans l'Aurore, les acteurs sont des modèles qui, précisément parce qu'ils n'ont aucune personnalité propre, cristallisent sur eux des valeurs profondément inscrites dans notre civilisation : attirance sexuelle, caractère sacré du mariage. Valeurs fondamentales, gravées dans notre sensibilité par des siècles d'évolution sociale, mais contradictoires. Leur conflit réveille alors en nous des réflexes que le cynisme quotidien nous permet de maîtriser dans la vie réelle. Le cinéphile, c'est celui qui est capable d'oublier, dans un fauteuil de salle obscure, ses sentiments individuels.

La copie qui est projetée en ce moment au Grand Action, dans la petite salle où on se sent tellement mieux que dans la grande, est très belle.

Publié par thbz le 08 décembre 2004

10 commentaire(s)

1. Par elo  (13 février 2005) :

Après avoir vu ce film mes sentiments n'était plus les miens mais plutot ceux des personnages.Grâce à ce film muet on peut ainsi resentir les sentiments grâce au magnifique expressions du visage des acteurs.

2. Par cha  (27 octobre 2005) :

moi je suis en terminale et l'Aurore est un des films au programme du bac , vous trouvez pas que pour des eleves de terminale ce film est un peu difficile a cerner ???

3. Par thbz  (27 octobre 2005) :

C'est peut-être difficile, en effet, pour un élève de terminale. Un film est produit par une époque et par une culture. Lorsqu'on vit à une autre époque et que l'on baigne dans une autre culture, on manque des réflexes émotifs nécessaires pour apprécier ce film. Il faut pour cela voir des films, lire des livres produits dans d'autres cultures ou à des époques plus anciennes pour, peu à peu, acquérir la sensibilité nécessaire et commencer à prendre du plaisir à ces oeuvres. Lorsqu'on est en terminale, on n'a souvent pas encore eu le temps, la liberté ou la volonté d'acquérir cette ouverture d'esprit.

Je devais avoir dix-huit ou dix-neuf ans la première fois que j'ai vu L'Aurore. C'était à la télévision, vers minuit. J'ai trouvé le film bien ennuyeux, statique, pâlot. Longtemps après je l'ai revu au cinéma. Entre temps ma culture s'était formée ; j'ai été sensible à la beauté picturale des images, à la perfection formelle du film, sans pour autant être très sensible à l'histoire elle-même. Encore quelques années de plus et j'ai vu le film une troisième fois. Les quelques paragraphes ci-dessus se rapportent à cette dernière vision. J'ai appris au cours des années, sinon à voir le film avec les mêmes yeux que les gens de l'époque, au moins à l'aimer autant qu'eux.

Donc comment faire pour le bac ? Le plus simple et le plus sûr est de répéter ce que vous diront vos professeurs ou vos livres de cours ; ils savent mieux que vous ce qui plaît aux examinateurs, parce qu'ils connaissent mieux leur culture. Mais essayez aussi (pour votre plaisir personnel plus que pour la réussite à l'examen) d'oublier le maquillage outrancier des acteurs, l'exagération de leur jeu, la longueur des plans et la rareté des mouvements de caméra : essayez d'apercevoir derrière tout cela la puissance d'expression de la mise en scène et la richesse des images.

4. Par juliette  (19 janvier 2006) :

En première année de fac j'ai un dossier à faire sur ce film pour demain et ce que je trouve magnifique dans ce film, c'est son caractère universelle.En efet c'est un conte de tout temps comme le dit le premier carton.Aujourd'hui ce film garde ce caractère, selon moi,et c'est ce qui fait que ce film, même à notre époque de modernité reste de notre époque.Eternel combat interieur de l'homme...et de l'amour...
Enfin sinon en terminale j'avais au programme l'oeuvre complète d'Eisenstein, alors L'Aurore est accessible si on s'y interesse un peu. GOOD VIBE A TOUS

5. Par  (07 mars 2006) :

j'ai vu ce film il y a quelque jours et je le trouve magnifique. je dois faire une note d'intention dessus et je suis en seconde. C'est le genre de film que j'aimerais avoir au bac tellement il y a de choses à dire dessus. Bonne chance quand même.

6. Par estelle  (04 juin 2006) :

l'aurore mérite bien sa réputation de plus beau film du monde!
je suis en terminale cav et j'étais en train de réviser avec plaisir ce film pour mon oral qui est dans 4 jours!
pour tout ceux qui ne le connaissent pas encore ;courrez acheter le dvd, et priez pour moi pour mon oral de bac!

7. Par thbz  (04 juin 2006) :

L'Aurore au bac ? Ceux qui font les programmes ont bon goût...

Bonne chance pour ton bac Estelle !

8. Par a-mand-a  (23 février 2008) :

Je l'ai moi aussi au programme en terminale, et je ne le trouve pas démesurément compliqué pour des jeunes notre âge. Oublier le maquillage, les jeux exagérés et tous les procédés utilisés à outrance ? Bah normalement, c'est naturel pour quelqu'un etudiant l'audiovisuel! Avec tous les vieux films que tu as du voir, ce ne doit pas être compliqué de mettre entre parenthèse notre vision du XXIème siècle, habitué aux couleurs, à la rapidité des plans, aux contrastes abusifs, à la précision hallucinante des images...
Les plans sont incroyables, ils sont hallucinants, dignes de l'expressionnisme allemand ! Les images te montrent du son,... La puissance du muet, d'une vision d'un réalisateur extraordinairement talentueux... Tout ça, t'as pas besoin d'avoir 40 ans pour le voir... Si ?

9. Par thbz  (25 février 2008) :

Tu as tout à fait raison. J'ignorais que c'était dans une option audiovisuelle que ce film était à l'option. Mais tous ceux qui choisissent cette optin sont-ils vraiment sensibles à l'histoire du cinéma dans son ensemble ?

10. Par Manon  (09 avril 2008) :

@ thbz:
Je n'en suis pas certaine. Tout ce que je sais c'est que nous dans l'option on l'était tous (une quinzaine d'élèves). Ca fait maintenant deux ans que nous avons passé notre bac et on a tous continuer nos études dans le cinéma. A l'époque déjà on avait L'Aurore au bac les deux autres films étaient L'homme de la plaine d'A.Mann et Sans Soleil de Chris Marker. Perso j'attache une grande importance à l'histoire du cinéma. J'ai l'impression que c'est le cas de tout le monde dans ma promo (bon en même temps on est seulement une cinquantaine)on regrette tous de ne plus avoir de cours d'histoire du cinéma en 2ème année...

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