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5 octobre 2005 - Arts, architecture...

Microgramme 21

Lu dans une vitrine, rue des Francs-Bourgeois.

Microgramme 21

La contemplation du paysage à la fenêtre me permet de noter

La contemplation du paysage à la fenêtre me permet de noter que ce qui passe dépasse parfois en grâce, en beauté, en noblesse, ce qui est arrêté, ou qui résiste. En cet instant, par exemple, les arbres et les arbustes sont secoués par le vent pour la seule raison, immédiatement perceptible, qu'ils sont persévérants. Dans la mesure où ils se relâchent, par moments, le secouement peut naître. S'ils n'étaient pas enracinés, on ne pourrait pas parler d'un murmure de leur feuillage, et par conséquent, plus question de rien entendre.

De nos jours, on n'a plus besoin d'un carnet pour conserver la trace d'une notice de tableau dans un musée ou d'un texte dans une vitrine. L'appareil-photo numérique remplace même le stylo.

Qui dit entendre, dit murmure, qui dit murmure, dit remuement et qui dit remuemnet dit cette concrétude qui est plantée quelque part et qui prend son essor à partir d'un point précis. Les beaux nuages, fuyants, grandioses, sont sans attaches, et ne produisent de ce fait aucun secouement. Il y a des montagnes de nuées et des forteresses de nuages dont la pose rappelle presque la nonchalance des cygnes qui nagent, ou l'indolence des femmes qui se laissent amener ou résoudre à un sourire ou à un geste.

... où on se rend compte que c'est un homme qui a écrit ce texte.

La vocation du beau, du tendre, du sublime culmine dans une totalité de docilité silencieuse, ainsi qu'il en va par exemple d'idées élevées ou d'oeuvres charitables, de la justice, de l'amour. Dans un silence inaudible, la plus majestueuse des notions s'éloigne, soufflée par la bouche archaïque du vent. Cependant l'immobile, le tenace, tout ce qui offre ou oppose une résistance à ce vivant, le palpable comme l'impalpable, tous sont là, semblant se connaître et se compléter de la plus exquise façon.

Ce texte est extrait de Microgrammes, de Robert Walser. 500 feuillets presque illisibles, retrouvés dans les papiers de l'écrivain, mort dans un asile psychiatrique le jour de Noël 1956 après vingt ans de silence. Il a fallu vingt ans pour les déchiffrer.

Publié par thbz le 05 octobre 2005

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