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16 juillet 2007 - Arts, architecture...

Jardins redressés

« Rendre les espaces libres plus agréables c'est, avant tout, mettre en valeur le patrimoine naturel (flore et faune), essentiel en milieu urbain... L'ensemble des interventions engagées en ce sens doit s'inscrire dans une trame verte de Paris qui associe la réalisation de nouveaux jardins, le réaménagement d'anciens espaces verts publics... Au-delà de ces interventions traditionnelles, le végétal doit investir de nouveaux espaces comme les clôtures, les façades et les murs pignons d'immeubles ainsi que les multiples recoins aujourd'hui délaissés. » (Projet d’Aménagement et du Développement Durable approuvé par le Conseil de Paris en juin 2006 ; c'est moi qui met en valeur la dernière phrase)

L'injonction du PADD peut faire sourire : cachez ce béton que nous ne voulons voir, ôtez de notre vue ces grillages, ces recoins ingrats, tous ces espaces auxquels nous n'avons pas attribué une valeur esthétique, recouvrez-les tous de « végétal », terme qui en langage administratif désigne les plantes et de fleurs. Maximisons l'utilisation de la ville, faisons-en toujours plus sur toujours moins d'espace. Puisqu'il n'est plus possible, faute de terrain disponible, de faire des squares même lilliputiens, construisons-les donc à la verticale. Tandis que les banlieues lointaines, appliquant à la lettre la plaisanterie d'Alphonse Allais, construisent la ville à la campagne pour profiter des avantages que cette construction même fait disparaître, nous voulons, à Paris, importer la nature en pleine ville, quitte à la reconstruire entièrement.

Les murs végétaux, ou jardins verticaux, sont bien à la mode. On leur prête des vertus en ces temps d'écologie : ils protègent de la chaleur comme du froid, ils absorbent une partie de la pollution urbaine. Les réalisations et les projets se comptent par dizaines. La Mairie de Paris a défini un véritable « programme de murs végétalisés ». Pour un exemple, voir le dossier de presse du mur végétalisé de la rue Noguères, dans le 19e arrondissement.

Le spécialiste de ces murs est un certain Patrick Blanc (voir son site empêtré dans du Flash ou, plus lisible, un article de L'Express). C'est lui qui a conçu le plus célèbre des murs végétaux : celui qui recouvre, comme une fourrure, une façade du musée du Quai Branly.

On peut toutefois se demander, comme l'architecte-urbaniste Christa Aue (lire son article sur les murs végétaux), ce que ces jardins vont devenir lorsque les oiseaux, qui parfois nichent dans cette minuscule forêt vierge, vont transporter des graines d'un élément à l'autre du « jardin », brouillant ainsi une composition dont le paysagiste avait soigné les moindres détails...

On touche là au paradoxe de ces réalisations : élevés au nom de la nature et sous son apparence, les jardins verticaux sont des réalisations hautement artificielles, superbement technologiques ; plus encore que les vaches et les poules, ils ne peuvent subsister que par les soins continuels des humains, qui doivent les protéger de l'effet normal des cycles de la nature.

Cela n'empêche pas les urbanistes et paysagistes d'imaginer de nouvelles utilisations de cette nature recomposée. L'architecte Luc Schuiten propose (ici) de colmater avec des jardins verticaux toutes les brèches de Bruxelles : coins inutilisés, façades aveugles, espaces en devenir, lieux en déshérence.

Les murs végétaux, ce n'est pas une invention de l'an 2000. Ainsi au coin de la rue Monge et de la rue des Écoles, derrière l'ancienne École Polytechnique :

Il est vrai que la technique est ici traditionnelle : de simples pots, plus ou moins dissimulés sous les branches et les feuilles tombantes, sont accrochés à une grille. Les techniques contemporaines, elles, permettent des constructions plus légères sur une armature totalement invisible.

Publié par thbz le 16 juillet 2007

11 commentaire(s)

1. Par KA  (17 juillet 2007) :

Même si les modes sont toujours énervantes, j'aime bien ces jardins verticaux. Et celui du BHV particulièrement, qui donne un peu de lumière à cette étroite rue de la Verrerie.

En ce qui concerne leur entretien et ses saloperies d'animaux emplumés qui vont en briser le savant ordonnancement, le problème n'est pas nouveau : tous les jardins y sont confrontés, du plus modeste jusqu'à ceux de Versailles.

Dans le genre mode urbano-jardinière, il y a aussi, depuis quelque temps, ces jardins collectifs, inspirés des jardins ouvriers de banlieue, qui s'installent sur des espaces où étaient auparavant plantés des immeubles. Certains sont regroupés en fédérations, d'autres sont nés à l'instigation de la Ville de Paris, d'autres encore sont dus à des initiatives aussi sauvages que privées, enfin bref, c'est la jungle !

2. Par thbz  (17 juillet 2007) :

Celui du BHV est en effet une réussite. La rue de la Verrerie a subi les ravages des règlements d'urbanisme du 19e siècle qui ont imposé un retrait pour les immeubles nouveaux : vaine tentative d'élargir les voies parisiennes qui n'a abouti qu'à rompre l'alignement des immeubles dans de nombreuses rues anciennes. Ce mur végétal agrémente l'une de ces façades en retrait. Il est bien mieux placé que celui du quai Branly, sorte de mousse kitsch plaquée sur un immeuble qui n'en avait pas besoin.

Sera-t-il aussi durable que le développement du même nom ? On verra bien. En tout cas j'imagine que ces murs végétaux vont entraîner la création d'un nouveau métier : alpiniste-jardinier...

3. Par thbz  (31 juillet 2007) :

Et sur un thème proche, les « jardins » s'incrustent également dans les nouvelles tours de bureaux : projet Generali à la Défense ou concept Hypergreen de Jacques Ferrier...

4. Par S.  (13 août 2007) :

Dans le même concept des jardins utilisés en France et notemment à Paris, n'oublions pas de citer l'architecte Edouard François avec sa fameuse "tower flower", il a même travaillé avec Patrick Blanc en utilisant la conception des jardins verticaux à la Défence...
Il est très intéressant ton article, Merci.

5. Par S.  (06 février 2008) :

Tiens, je viens de trouver quelques explications techniques concernant ces murs...
http://www.paysage-en-herbe.com/article22.html

6. Par thbz  (06 février 2008) :

Ah oui, tiens. Merci pour le lien. Je vais faire pareil chez moi !

Euh, non, peut-être pas...

7. Par joce62  (27 août 2008) :

passionnant ton blog ! lol !
magnifique tes photos ! justement il me semble avoir entendu une discussion de botanistes qui étaient contre ces murs végétaux...a terme ça abimerait les murs qui dans qq années seraient devenus plus môches
qu'avant, et puis pour lutter contre la pollution c'était vraiment négligeable.m'autorises tu a mettre
le lien de ton blog sur ce post sur mon forum gardenbreizh ou dans mon blog ?
http://gardenbreizh.org/photos/joce62/album-9965.html
au plaisir de te lire,
amitiés,
jocelyne

8. Par thbz  (29 août 2008) :

Les liens sont libres, il n'y a pas d'autorisation particulière à me demander pour faire un simple lien...

9. Par loriers  (25 novembre 2008) :

Beau site.
Pourriez vous me dire quels végétaux vous semblent le mieux adaptés à la vie parisienne, sur tous ces murs végétalisés ,
merci

10. Par thbz  (26 novembre 2008) :

Je ne suis pas jardinier et il ne faudrait surtout pas se reposer sur ce que je pourrais dire... Peut-être trouverez-vous quelque chose sur le site de P. Blanc : http://www.murvegetalpatrickblanc.com, qui décrit les techniques de murs végétaux.

11. Par Cote Cloture  (03 août 2018) :

Si le but principal est esthétique, pour éviter que le mur ne soit abimé il faut opter pour de l'artificiel... si le but est plutôt écologique, alors il faut plutôt placer des murs verts sur des places, comme des éléments décoratifs qui se suffisent à eux mêmes. Ca a d'ailleurs déjà été fait dans Paris il me semble !

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