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15 juin 2012 - 13e arrondissement - GraffitiLe poème de la rue Férou
La rue Férou était une rue normale. Seul un regard attentif permettait d'y distinguer certains détails, d'y découvrir un petit détournement et une curiosité.
Or les événements minuscules qui, année après année, siècle après siècle, bouleversaient lentement l'apparence de cette rue viennent d'être supplantés par un aménagement culturo-touristique de grande ampleur. Désormais la rue Férou est mise en vedette, on l'inaugure très officiellement, elle attire les photographes, elle fait parler les blogueurs et leurs commentateurs, et, à coup sûr, gagnera une place dans les prochains éditions des guides du « Paris culturel » ou des « décorations murales ».
À l'initiative de la fondation néerlandaise Tegen Beeld, le Bateau ivre de Rimbaud, qui aurait été déclamé pour la première fois au bord de la place Saint-Sulpice, a été peint en lettres de grand format sur le mur d'enceinte de l'Hôtel des impôts. Est-ce parce que Rimbaud a embarqué en 1876 sur un navire de l'armée coloniale néerlandaise (avait-il un peu trop bu ?) ?
La calligraphie est belle et sage, car les mots même suffisent à exprimer la fièvre contenue dans ce texte. La seule fantaisie est le sens de lecture du texte, réparti en colonnes qui se parcourent de droite à gauche.
Que dire d'autre que ceci : la calligraphie donne envie de lire le poème, au rythme de la marche lente — les yeux soutenus par le mouvement du corps tout entier —, peut-être même à voix haute.
Et, surtout, le Bateau ivre n'a pas recouvert le pot-au-feu de la rue Férou.
On donne le nom de l'auteur de « Gare au gorille » à des écoles primaires, donc on peut bien inscrire le poème d'un trafiquant d'armes sur un bâtiment de l'administration fiscale.
Publié par thbz le 15 juin 2012
8 commentaire(s)
1. Par Suricat (17 juin 2012) :
J'ai eu la chance de voir de le peintre (l'artiste !) à l'oeuvre et je dois dire que ce fut un plaisir de l'observer, d'une main franche, chaque lettre
http://instagr.am/p/LiUmbDo3V0/
http://instagr.am/p/LiUnk4o3V1/
2. Par thbz (18 juin 2012) :
Merci pour le lien. Je l'ai vu une seule fois, mais il avait quasiment terminé.
Il l'a bien fait au pinceau et pas au pochoir ? En regardant de près, j'ai l'impression que les lettres ne sont pas toutes strictement identiques.
En tout cas, on voit sur ta première photo qu'il n'a pas écrit le poème dans l'ordre...
3. Par Antoine (22 juin 2012) :
ça me fait l'effet d'une énième pierre tombale que la culture à l'art de dresser contre l'Art. De loin, la calligraphie a quelque chose de dégueulassement scolaire.
Je trouverais plus drôle et plus vivace d'aller repeindre l'intérieur des locaux de la fiscalité des "Assis".
4. Par S. (25 juin 2012) :
J'ose espérer qu'il ne s'agissait pas d'une simple tentative de: "comment faire sortir une rue de l'anonymat"...
5. Par thbz (25 juin 2012) :
Disons que c'est une manière de faire sortir un mur de l'anonymat.
Cette alliance de l'art et de l'administration fiscale n'est pas exceptionnelle : rue Louise-Weiss, les galeries branchées occupent le rez-de-chaussée des bureaux du ministère de l'économie...
6. Par gelly (08 juillet 2012) :
Bonjour,
en plus du poème, il y a 3 symboles au pochoir : une araignée noire au bout de son fil, un / rouge et une fleur de lys bleue. Quelqu'un en sait-il plus?
7. Par Raphaël Zacharie de IZARRA (20 août 2012) :
RIMBAUD POT-AU-FEU
Comment pourrais-je croire en Rimbaud, alors qu'on l'évoque avec des vapeurs d'éther dans la bouche, des ronds de fumée dans la tête, de gros lapins rouges dans le chapeau ? Un personnage inspirant des clichés aussi indigents est trop suspect... Moi quand je parle d'Arthur, il me sort de la bouche des postillons, de la tête des idées vagues, du chapeau rien du tout.
Je ne crois pas en ces grandeurs scolaires inculquées par la superstition républicaine. Les "poteaux de couleurs", les "peaux rouges criards" et autres "haleurs" sont de pures sottises d'érudits. Certes bien tournées dans la forme, mais écrites pour le vent des envolées vides et cependant lues avec d'imbéciles frémissements dans la voix. Révélateur de la triste capacité de l'esprit humain à se laisser bercer par des sornettes, Rimbaud est le symbole de l'embrigadement des masses crédules et ignorantes dans une sensibilité poétique frelatée, artificielle, relayée par de doctes cornichons de l'Académie à qui nul n'oserait tenir tête.
Moi je prétends que Rimbaud est un médiocre voyant et que ses disciples sont de bêlantes andouilles.
Parce que l'Enseignement National a inclus dans son programme ces pompeuses, indigestes carottes diarrhéiques censées incarner l'aboutissement de la Beauté verveuse et métrique (au lieu de dispenser en priorité à ces populations scolaires de bonnes grosses patates poétiques bien substantielles ou d'exquises salades lyriques pleines de légèreté, plus propres à contenter leurs véritables aspirations juvéniles), des générations de rebelles à la carotène enrégimentés par leurs professeurs de lettres font semblant d'apprécier le mets orange.
Le clou Rimbaldesque est à ce point enfoncé dans ces crânes ramollis que cracher sur le plat officiel est perçu comme un acte quasi criminel.
Je ne doute pas que j'aurai toujours sur le dos ces hordes de contaminés de la "pensée universitaire" pour me reprocher ma dissidence déplacée, à leurs yeux inacceptable... En effet, dans ce système bien huilé où l'esprit se nourrit de certitudes institutionnelles, on ne s'oppose pas ainsi au Dieu Rimbaud. Rimbaud, on ne le discute pas : ou on le vénère, ou on n'est rien qu'un pauvre épicier de province inaccessible aux hauteurs zénithales...
Au fait, qui parlait de rébellion poétique ?
Raphaël Zacharie de IZARRA
8. Par thbz (20 août 2012) :
Merci, Raphaël, d'avoir pris la peine de copier/coller ici ce commentaire sur Rimbaud que vous avez déjà reproduit sur plusieurs autres sites web. Le plus curieux est que le titre de votre texte fait, comme mon texte, un rapprochement entre Rimbaud et le pot-au-feu. Mais sans doute est-ce justement en cherchant le titre de votre article dans un moteur de recherche (qui n'a envie, de temps en temps, tel un professeur d'université ayant publié l'année passée dans une revue professionnelle, de mesurer s'il est plus ou moins largement cité par ses pairs ou par ses lecteurs ?) que vous êtes arrivé ici.