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31 décembre 2012 - Arts, architecture... - Italie

Pérouse, la ville superposée : le vingtième siècle

Pérouse, la ville superposée (3/3) (épisode précédent : La Rocca Paolina)

Le vingtième siècle

Si le 20e siècle a poursuivi l'accumulation des couches à Pérouse, ce n'est certes pas sur le plan architectural. Certains y ont pourtant pensé, comme les architectes autrichiens de Coop Himmelblau qui proposent de recouvrir l'une des rues qui relient la place Matteoti au Corso Vannucci, en plein cœur historique, d’une sorte de tondeuse à cheveux aussi bien commerciale qu'écologique.

Tout au plus ce siècle s'est-il contenté d'adapter certains monuments. On se demandera pourquoi quelqu'un a décidé, un jour, de transformer le grand escalier du Palazzo dei Priori. Cet escalier formait autrefois, on le voit sur de vieilles photographies, un zig-zag de pierre parfaitement harmonieux ; il a été remplacé par une montée beaucoup plus large et molle. Son ombre, il est vrai, est très accueillante pour les touristes l'après-midi. Le 19e siècle, déjà, s'était permis dans une fièvre médiéviste d'ajouter de faux créneaux au sommet du même bâtiment.

Si ce n'est pas par l'architecture, c'est par les infrastructures de transport que le 20e et, à sa suite, le début du 21e siècles ont poursuivi l'exploitation de la montagne de Pérouse.

Les ascenseurs et escaliers roulants se sont multipliés pour les piétons, aussi bien à l'intérieur de la Rocca Paolina comme on l'a vu précédemment que sur les façades extérieures de la ville, à l'ouest, au sud, à l'est.

Quant aux automobiles, il a été décidé de les faire passer tout simplement en-dessous de la ville, par un tunnel percé à l’endroit où l’éperon rocheux est le plus étroit, juste en-dessous de la piazza Matteoti et du rêve de tondeuse à cheveux de Coop Himmelblau.

Puis, tout dernièrement, un second tunnel parallèle a accueilli un nouveau moyen de transport tout à fait remarquable : le mini-métro.

Le mini-métro, comme les voies express à Tokyo, s'affranchit des contraintes du relief et du bâti, survolant des quartiers résidentiels et traversant sans effort une colline chargée de dix siècles d'histoire.

La façade est

L'accumulation verticale atteint son comble sur la façade est de la ville. Cette pente presque verticale, depuis la vallée jusqu’au sommet de la ville, superpose les fonctions : immeubles résidentiels modernes eux-mêmes assez élevés, tunnel pour voitures, station et tunnel du mini-métro, parking accroché à flanc de falaise, marché couvert et enfin palazzo del Capitano del Popolo et autres bâtiments qui bordent la place Matteoti.

Sur cette falaise tentent de cohabiter tous les moyens de déplacement : la voie express traverse la roche, de même que le métro tiré par des câbles, un sentier en escaliers et un ascenseur permettent aux piétons d’accéder à la ville haute, enfin des escaliers roulants relient la station du mini-métro au sommet de la ville.

Et au sein de cette accumulation, l’église baroque du Gesu, accessible au sommet depuis la place Matteoti, est érigée, dit-on, par-dessus trois autres églises superposées dont je n’ai pas réussi à trouver l’entrée.

Cette façade hétéroclite n'est certainement pas la partie la plus attirante de Pérouse, mais elle offre l'un des plus beaux panoramas depuis son sommet, où toutes ces couches d'infrastructure demeurent invisibles et seules s'offrent à la contemplation les douces collines de l'Ombrie, les montagnes des Apennins et, entre les deux, l'affleurement rocheux d'Assise.

Il faut revenir en ville pour constater finalement que les bâtiments eux-mêmes ont subi des transformations, adaptations, extensions, reconfigurations qui, bien entendu, laissent elles-mêmes des traces d’autant plus mystérieuses qu’elles sont difficiles à dater.

Portes

Les siècles et les modes ont ajouté des morceaux d'architecture un peu partout : sur les murailles, sur des bâtiments existants ou dans des coins vacants.

Et même parfois, sous une porte médiévale. Alors que tant de villes modernes pratiquent la surélévation de bâtiments, Pérouse a inventé la sous-élévation, construisant une pièce supplémentaire suspendue sous une arche :

Mais l'évolution des mœurs ou la lassitude des propriétaires a exercé son pouvoir de transformation, avec un acharnement qui tend à la manie, sur les entrées de maisons.

Des portes hautes ont été remplacées par des portes basses, des ogives par des panneaux plus faciles à remplacer. Comme toujours à Pérouse, rien n'a été vraiment supprimé, chaque transformation a laissé sa trace sur le mur, produisant des chevauchements insolites de deux, voire trois époques successives.

Le promeneur attentif imagine ainsi des portes plus larges, des fenêtres plus nombreuses, des rez-de-chaussée ouverts sur l'extérieur, des artisans et des commerçants parlant avec les passants, une rue plus bruyante et plus animée.

Peut-être, aussi, certaines époques séparaient-elles moins nettement que nous l'intérieur de l'extérieur.




Ces traces sont des signes d'une ville ancienne dont ne pouvons qu'imaginer les images et les bruits.

On a regardé ici la ville à la verticale, parce que c'est dans cette direction qu'elle s'est développée depuis les origines.

Il serait bon, à présent, de se retourner pour voir la campagne d'Ombrie, c'est à dire les campagnes d'Ombrie : celles qui se déploient d'une vallée à l'autre et celles qui, comme les villes, ont été élaborées, transformées, recomposées par l'homme au cours de deux mille ans de construction patiente du paysage.


Publié par thbz le 31 décembre 2012

4 commentaire(s)

1. Par Détails  (07 janvier 2013) :

L'histoire de la transformation du palazzo dei priori demanderait une recherche plus poussée, une belle découverte quand on compare l'existant et le passé.

Ces trois chapitres montrent une connaissance sans faille (?) de la ville et son histoire. Le lecteur plonge dans une très belle saga qui l'entraîne dans les coulisses de la cité.

A quand l'épisode Pérouse et sa place en Ombrie? :-)

2. Par thbz  (10 janvier 2013) :

Merci. Pour la suite, on verra, il faudrait mettre en forme différentes notes et photos...

3. Par Dominique  (25 novembre 2019) :

Je suis allé à pérouge et j'ai trouvé cette ville enterrée étonnante et son histoire bouleversante. Les guides ne s'attardent pas trop sur la brutalité des papes ! Vos commentaires sont passionants.

4. Par thbz  (29 novembre 2019) :

Je suis heureux que cela vous ait frappé aussi. La ville n'est pas si touristique...

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