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8 septembre 2014 - CoréeChuseok au cimetière
En Corée, lors de la fête de Chuseok, qui a lieu cette année lors de la pleine lune du 8 septembre mais couvre également les jours précédents et suivants, la famille se retrouve en principe au cimetière pour procéder à un rite de salutation et d'offrande aux ancêtres.
Ici, le cimetière est 신세계공원묘지, « Cimetière du parc du Nouveau monde », au nord de Séoul. Il occupe les flancs d'une montagne en forme de cuvette. On est à vingt kilomètres de la Corée du Nord.
Les règles du feng shui (pung su en coréen) sont appliquées en Corée, ou du moins l'étaient autrefois par ceux qui en avaient les moyens, pour choisir l'emplacement des maisons des morts comme de celles des vivants, mais selon des règles différentes. Ainsi les tombes ne sont-elles pas installées dans la vallée comme les habitations, mais sur les pentes comme les temples. Elles sont adossées à une montagne située au nord et protégées à l'ouest et à l'est par des crêtes ou sommets secondaires. Par derrière s'étendent d'autres sommets, d'autres vallées qui permettent aux flux d'énergie de parvenir, comme les ondulations d'un dragon, jusqu'aux tombes.
Un Occidental aura du mal à percevoir cette énergie, mais ces règles ont en tout cas pour effet de produire un paysage splendide depuis le sol : la forme de cuvette permet d'avoir une vision d'ensemble du cimetière, où que l'on se tienne. Sur un vaste espace, presque à perte de vue puisque le site est clos par la montagne, s'étendent une multitude de terrasses soutenues par des murets de pierre.
Pour accéder aux tombes, on circule en voiture sur des routes tortueuses, puis on emprunte à pied un chemin mal dessiné et incommode. Amusement pour les enfants, épreuve pour les personnes âgées.
La plupart des tombes conservent l'aspect traditionnel : un dôme de terre couvert d'herbe, parfois posé sur un petit socle de pierre, identifié par une pierre levée et précédé par une table basse en pierre. Seule une croix indique parfois la religion.
La table de pierre sert à présenter les offrandes aux ancêtres.
La nourriture, préparée la veille, est disposée sur la table basse : poisson séché, galettes de légumes, de viande ou de poisson, gâteaux de riz (songpyeon), fruits...
Les membres de la famille se prosternent deux fois de suite devant la tombe (jeol). Puis ils passent l'un après l'autre devant la table aux offrandes. Le fils aîné tend à chacun un verre de makgeolli, alcool de riz à l'apparence laiteuse, que l'on fait tourner deux fois autour d'un bâtonnet d'encens planté dans une coupelle avant de le vider sur les tombes. Il faut ensuite prendre les baguettes, les faire passer sur chaque plat comme pour servir la nourriture aux ancêtres, avant de les planter dans la nourriture. On ne plante les baguettes dans la nourriture qu'avec les morts ; avec les vivants, on les pose sur la table ou par-dessus le bol de riz.
Après avoir attendu un moment pour laisser aux ancêtres le temps de s'approprier la nourriture, les membres de la famille se partageront les plats préparés ainsi que le makgeolli, assis à côté des tombes sur des matelas de pique-nique.
Une nouvelle prosternation et une nouvelle offrande de makgeolli auront lieu avant le départ.
Quelles différences avec les cérémonies encore pratiquées plus ou moins en France ?
La réunion autour des tombes des ancêtres fait penser à Toussaint. Dans les deux cas, la réunion à date fixe permet de voir certains membres de la famille. On se contente toutefois, en France, d'un instant de recueillement, éventuellement d'une prière. Les ancêtres ne font l'objet d'aucun culte, car tout vient du Dieu absolu.
Une offrande de nourriture serait, en France, particulièrement incongrue ; la nourriture paraît absente des cérémonies religieuses françaises en tant que telle, sauf sous la forme étrange et très symbolique de l'Eucharistie. Pourtant, les morts conservent bien une forme d'existence associée à une présence dans le lieu où ils sont enterrés, qui va au-delà de leurs restes physiques, puisqu'on juge approprié de décorer le lieu où ils demeurent par des fleurs et des plaques commémoratives. Même si, in fine, tout rite relatif aux morts peut sans doute s'analyser comme un processus de cohésion ou de deuil destiné aux vivants eux-mêmes.
Mais en Corée comme en France, l'éloignement des familles et la sécularisation des modes de vie réduit la participation aux rites.
Publié par thbz le 08 septembre 2014
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