« Un mariage et un enterrement (1/2) | Accueil | »

18 mars 2015 - Corée

Un mariage et un enterrement (2/2)

(suite de : Un mariage et un enterrement (1/2))

De même que je n'ai pas assisté au mariage lui-même, acte administratif, mais à sa cérémonie ouverte à deux cents personnes, je ne suis pas non plus allé aux funérailles proprement dites — en l'occurrence une incinération — mais à la réception des proches et des connaissances au funérarium (장례식장) d'un hôpital de Séoul.

Autrefois, en Corée comme en France, on recevait les visiteurs à la maison et on leur donnait à manger. Aujourd'hui, c'est à l'hôpital que meurent la plupart des gens dans les deux pays.

Le funérarium

La réception des proches y est aussi bien organisée que le mariage. Le funérarium est un bâtiment séparé, construit dans l'enceinte de l'hôpital. À l'entrée, un tableau électronique indique où l'on peut trouver la personne que l'on cherche. C'est un grand hôpital.

Le bâtiment est bien équipé : un café au rez-de-chaussée, une vraie épicerie au sous-sol.

Chaque famille dispose d'un local assez vaste : de 99 m2 à plus de 300 m2 si j'en crois le site Internet.

Le local comprend deux pièces. On se déchausse à l'entrée, à côté de laquelle sont entreposés de grands bouquets de fleurs, offerts par des proches, associations, entreprises.... Ils sont tous établis sur le même modèle — mais en Corée comme en France, ce n'est pas dans un tel moment qu'on cherche l'originalité.

On entre dans la première pièce. En face est accroché le portrait du défunt, entouré de fleurs. Devant lui sont exposés des fruits et un porte-encens rempli de sable.

On allume un bâtonnet d'encens, auquel on fait faire deux tours au-dessus du porte-encens avant de le planter dans le sable. Puis on s'accroupit pour une double prosternation (jeol) devant le portrait du défunt, et on recommence une fois face aux enfants mâles et gendres, qui font de même.

Dans l'autre pièce, une dizaine de tables basses sont posées sur le sol. Les employés servent un repas classique coréen : soupe, porc, poisson, petites galettes, kimchi, à-côtés...

Les conversations sont à peu près les mêmes, sans doute, que dans tous les enterrements du monde : circonstances de la mort, souvenirs, choix pour l'enterrement. Et puis on bavarde sur d'autres sujets, l'essentiel étant de rester pendant une durée convenable, surtout s'il n'y a pas beaucoup de monde.

Deux jours plus tard, le défunt sera incinéré et l'urne sera conservée dans un colombarium de la banlieue de Séoul. D'après le prospectus, il peut contenir 50 000 urnes.

Du cimetière au colombarium

Les rites ont évolué. Mais le deuil ne se met pas en scène, comme le mariage, dans un patchwork d'images et de symboles puisés dans la culture occidentale.

Certes, le noir a remplacé le blanc, couleur traditionnelle du deuil : les hommes viennent au funérarium habillés de couleurs sombres et si les femmes les plus proches portent un vêtement traditionnel (hanbok), celui-ci est teint en noir. Mis à part l'habillement, toutefois, les changements par rapport aux funérailles anciennes me semblent résulter de l'évolution des modes de vie (passage de la campagne à la ville, rythme de vie accélérée, décès à l'hôpital, manque de place dans les cimetières) plutôt que de l'introduction de références occidentales.

Ainsi l'incinération tend-elle à supplanter l'inhumation. J'ai déjà décrit un cimetière traditionnel, avec ses tombes hémisphériques et son organisation conforme aux principes du feng shui. Ce modèle, qui demande beaucoup de place dans un pays très conscient de son exiguïté, devient minoritaire : la majorité des Coréens choisissent aujourd'hui l'incinération, une loi ayant prévu, afin d'économiser du terrain, que les nouvelles tombes seraient vidées au bout de soixante années.

La tradition confucianiste impose pourtant le respect des ancêtres et l'accomplissement de rites à l'égard des morts, mais ce n'est pas le carcan s'opposant à la modernité que décrivaient autrefois certains auteurs : la Corée, comme la Chine, sait s'accommoder du mode de vie contemporain, tantôt en abandonnant certaines traditions, tantôt en leur donnant de nouvelles formes.

Complément :
- une description beaucoup plus précise sur l'excellent blog « La Gazette de Séoul ».

Publié par thbz le 18 mars 2015

0 commentaire(s)

Publier un commentaire :




Se souvenir de moi ?


Textes et photos (sauf mention contraire) : Thierry Bézecourt - Mentions légales