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16 juin 2006 - Arts, architecture... - Plus

À quoi ressemblent les villes

Il arrive que l'urbanisme ne prenne vraiment son sens que lorsqu'on le voit depuis le ciel. Ce que seule la littérature (Flatland d'Edwin Abbott, Les villes imaginaires d'Italo Calvino) permettait autrefois à l'imagination, aujourd'hui Internet l'offre à l'œil de chacun : voir toutes les villes sous un angle neuf, passer de l'une à l'autre sans se préoccuper de leur localisation dans le monde.

Ceci est un voyage à travers le monde merveilleux de Google Maps et de Google Earth. Une promenage accélérée à des hauteurs vertigineuses, pour englober du regard la variété des formations urbaines à travers le monde.

1e partie. Les trames urbaines

Les réseaux orthogonaux :

À Barcelone, Ildefons Cerdà a conçu en 1855 un plan carré à bords biseautés pour le quartier de l'Eixample :

À Pékin, le quadrillage prend sa source dans la cité impériable de Xi'an, où il était associé à un symbolique de l'Univers et du corps humain, avec en son milieu le palais du Fils du Ciel :

À Manhattan, une commission a planifié dès 1812 le réseau à cases rectangulaires qui devait mettre plusieurs dizaines d'années à recouvrir l'île :

Dans le Sud-ouest de la France, le réseau orthogonal des bastides date du Moyen-Âge. Ainsi à Geaune, dans les Landes :

Et celui de Pompeï remonte à l'époque des Romains...

Un réseau orthogonal parfaitement régulier ne signifie pas que la ville est ennuyeuse. Au contraire, il permet toutes les audaces à condition qu'elles soient contenues dans le cadre d'un îlot : la cathédrale de Gaudì à Barcelone, les casinos de Las Vegas s'inscrivent tous dans le cadre d'un réseau orthogonal. Le réseau et ses règles sont à l'origine même des gratte-ciels de Manhattan, qui par leur forme pyramidale occupent au maximum l'espace que les règlements urbains leur allouent.

L'urbanisme fractal :

J'appelle fractale une ville dans laquelle l'observateur aérien retrouve au fur et à mesure qu'il descend les mêmes formes carrées, emboîtées à l'infini les unes dans les autres, répétant des trames similaires depuis l'échelle de la ville jusqu'à celle de la parcelle.

Dans la banlieue de Las Vegas :

Plus près :

Encore plus près :

Encore plus près :

On peut faire la même expérience à Bagdad. Il suffit de cliquer pour accéder à Google Maps :

Juxtaposition de deux réseaux :
À Paris, les grandes tranchées diagonales d'Haussmann découpent à coup de hache un réseau ancien presque orthogonal :

À Tokyo, une autoroute urbaine, dans une immense accolade, s'étire au-dessus d'une rivière historique qu'elle masque complètement :

Sur cette rivière et dix mètres en-dessous de l'autoroute, on ne voit plus le « pont du Japon », Nihonbashi, première station du Tokaïdo dans les estampes de Hiroshige. Cet endroit historique est le kilomètre zéro des routes du pays, comme le parvis de Notre-Dame à Paris :

Le plan allégorique :
À Washington D.C., une grandiose mise en scène du pouvoir place le Capitole, la Cour Suprême, et la Maison Blanche, le mémorial de Jefferson et celui de Lincoln aux quatre extrémités d'une immense croix latine dont l'obélisque de Washington, père fondateur de la Nation, occupe le centre :

Trame urbaine et relief
À Paris, sur la butte Bergeyre, les courbes et les lacets révèlent la présence d'une colline. Les immeubles au bas de l'image ont deux entrées : la première s'ouvre sur l'avenue Simon-Bolivar et la seconde, sept étages plus haut, donne sur le sommet de la butte.

À San Francisco, au contraire, la régularité absolue du réseau orthogonal masque complètement un relief pourtant très important...

... à tel point qu'on présente comme une curiosité la seule rue à lacets de la ville, Lombard Street :

2e partie. Îlots

Après les réseaux de rues, voici à présent quelques dessins formés par les immeubles à l'intérieur des ilôts.

Îlots fermés haussmanniens :

Les immeubles clôturent l'ilôt sur tout son contour et le découpent en cours intérieures étanches. L'espace est fortement hiérarchisé en espaces privés (les appartements), semi-privés (les cours intérieures, où ne se retrouvent que quelques dizaines d'habitants au maximum) et publics (les rues).
Ainsi à Paris :

Îlots pleins :

Les maisons semblent recouvrir tout l'espace disponible, sans laisser de place aux cours intérieures. Pas d'alignement sur rue.
Phnom Penh (actuellement disponible sur Google Earth mais pas sur Google Maps) :

Îlots ouverts :

Les ilôts sont très vastes, les immeubles dessinent des formes plutôt décoratives vues depuis l'espace, l'espace semi-privé des cours intérieures disparaît complètement.

À Bucarest, des serpents de barres :

À Paris, 13e arrondissement : notez l'orientation commune des tours et barres sur la dalle des Olympiades, indépendante de celle des avenues...

... mais un zoom révèle un « repentir » des urbanistes. Tandis que la barre Squaw Valley et la tour Tokyo (à droite) sont orientées vers le nord-nord-ouest comme toutes les tours du quartier, les immeubles plus bas, à gauche, acceptent, eux, de suivre le sens de l'avenue d'Ivry. Ils prennent acte du retournement de l'urbanisme au milieu des années 70 : la dalle ne tuera pas la rue.

Post-scriptum : l'urbanisme au-delà de l'urbanisme

C'est peu de dire qu'on n'a jamais fait ça. En réalité, on ne l'avait même jamais imaginé. À Dubaï, le projet The World est en train de créer en pleine mer plusieurs centaines d'îles privées artificielles, dont la disposition formera une mappemonde de 50 km2. Pour attirer des milliardaires blasés, un entrepreneur immobilier rejoue la Genèse avec, en plus, la sécurité (images du site officiel : http://www.theworld.ae/) :

Pour acheter la France, demandez le lot E-4 (superficie : 4 hectares).

Dans ce monde-là un pays a été oublié : Israël. Est-ce un hasard ? Peut-être. Après tout, comme me l'a fait remarquer un visiteur, le Portugal aussi est absent, ainsi que de nombreux autres pays.

La suite dans : À quoi ressemble Bucarest (janvier 2007)

Publié par thbz le 16 juin 2006

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3 commentaire(s)

1. Par KA  (06 juillet 2006) :

Ah quel beau billet, dont j'aimerais avoir eu l'idée :-)

2. Par thbz  (06 juillet 2006) :

Merci KA !

Si ça te donne des idées pour un article, je te lirai avec plaisir !

3. Par S.  (26 janvier 2007) :

Moi aussi j'essaye ce fabuleux jeu, ce qui me fascine le plus, c'est quand on s'éloigne encore et encore de la ville qu'on regardait, là on se rend compte qu'on est tout petit voir même insignifiant,
et la magie de l'univers opère...

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