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1 mars 2005 - Cinéma

Stormy Weather et Carmen Jones

Ce n'est peut-être pas une coïncidence puisque toutes les deux sont projetées dans des salles du réseau Action, mais on peut voir à Paris en ce moment deux comédies musicales américaines tournées entièrement avec des acteurs noirs. L'une des deux est un grand classique du genre, Stormy Weather, avec le danseur de claquettes Bill Robinson, l'extravagant showman Cab Calloway, Fats Waller dans sa très célèbre interprétation de "Ain't Misbehavin'" et les Nicholas Brothers dans un numéro de danse époustouflant. L'autre est une curiosité de Preminger, Carmen Jones, où l'on voit Harry Belafonte chanter, torse nu, l'opéra de Bizet d'une voix de fausset (doublée !).

La principale caractéristique de ces films, celle que les commentateurs, y compris moi, citent dès la première phrase, c'est que les interprètes sont tous noirs. C'est vrai des protagonistes, mais aussi des seconds rôles, des figurants et des moindres passants. Aucun mélange dans ces films. Peut-être ne pouvait-on pas, à l'époque, donner des rôles secondaires à des blancs lorsque les premiers rôles étaient tenus par des noirs ? Fallait-il, pour que le public puisse s'identifier à un héros noir, que l'on oublie l'existence des blancs ?

Cela peut se comprendre dans une certaine mesure pour Stormy Weather, qui se déroule dans le milieu du spectacle et du jazz. Carmen Jones, en revanche, se déroule dans une Amérique populaire. Or, dans cette Amérique, les soldats sont noirs, les sergents sont noirs, les passants dans la rue, les commerçants, les policiers sont noirs. Toutefois ils ne sont pas tous noirs au même degré. Les héros, eux, ont la peau plus claire. Harry Belafonte, jeune premier, et Dorothy Dandridge, très belle Carmen, sont plus Américains qu'Afro. Or en Amérique, une seule goutte de sang noir suffit à définir la couleur de la peau (voir Imitation of life de Douglas Sirk ou John Stahl).

Carmen Jones invente donc un monde mono-ethnique noir dans lequel les plus séduisants sont ceux qui ont la peau claire, sans pour autant qu'ils cessent d'appartenir au monde des noirs. Aujourd'hui on trouverait ce film assez raciste. De même, dans Stormy Weather, certains Afro-Américains (ou noirs, ou blacks, selon le nom qu'ils préfèrent) s'indigneraient que le film réduise les noirs à leur don supposé pour la musique rythmée. A l'époque, pourtant, ces films ont dû paraître très progressistes: Hollywood ne donnait pas souvent un premier rôle à un homme de couleur.

Publié par thbz le 01 mars 2005

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