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mars 25, 2005
25 mars 2005 - Paris - (lien permanent)
Vendredi Saint à Saint-Sulpice
A l'entrée, un grand Christ en croix est allongé à même le sol. Des fidèles prient avec ferveur, assis sur des chaises. De temps en temps l'un d'entre eux marche vers le Christ et dépose un petite cierge à côté de la statue, dessinant peu à peu une ligne de feu autour du corps.
Dans la nef de droite, une douzaine de personnes sont agenouillées par terre, devant la chapelle saint Jean-Baptiste de la Salle. Une femme marmonne des prières.
Un peu partout, des solitaires regardent le temps passer. Certains sont venus se recueillir, d'autres sont juste désœuvrés.
Pendant ce temps, les lecteurs du Da Vinci Code cherchent le Saint Graal au pied de l'obélisque. Ils lisent rapidement, sur un mur, l'argumentaire qui réfute « les allégations fantaisistes d'un récent roman à succès » . On a installé récemment à cet endroit, par pur hasard, une urne destinée à recueiller les dons « pour l'embellissement de l'église » . A l'autre extrémité du transept, un homme aux cheveux blancs, accroupi sur la ligne de pierre par laquelle le récent roman à succès fait à tort passer le méridien de Paris, déchiffre des inscriptions à demi effacées.
D'autres fidèles, comme tous les jours, se recueillent derrière le choeur, dans la chapelle où le curé fait la messe en semaine. Une lumière « divine » l'illumine par des fenêtres invisibles. Bizarrement, un drap recouvre la Vierge de Pigalle.
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mars 22, 2005
22 mars 2005 - Cinéma - Paris - (lien permanent)
Before Sunset
Before Sunset est une jolie promenade dans Paris qui dure une heure vingt, le temps du film. Ethan Hawke et Julie Delpy, qui se sont connus dans un film précédent à Vienne, se retrouvent neuf ans plus tard à Paris, chez "Shakespeare et Company", curieuse librairie anglaise du quartier Saint-Michel. Ils ont peu de temps pour évoquer leurs souvenirs. Donc ils marchent dans les rues. Et leurs pas, comme toujours dans les films américains sur Paris, suivent un parcours impossible.
Car ils sont censés marcher dans les rues du 5ème arrondissement et voici qu'on croit reconnaître le terrain vague de la rue des Jardins Saint-Paul, le long de la muraille de Philippe-Auguste. Oui, un écriteau mentionne le Village Saint-Paul : on est passé sur la rive droite sans traverser la Seine.
Quelques pas de plus seulement et les héros sont déjà sur la promenade plantée, au-dessus de l'avenue Daumesnil. Ils marchent un moment sur le viaduc et le décor change : ils sont à présent dans le parc de Bercy. On aperçoit la Seine. Ils descendent l'escalier et se retrouvent... sur le quai de Conti, rive gauche.
Cette géographie imaginaire a le charme de ces rêves si forts qu'ils ressemblent à des souvenirs. Elle s'accorde bien au bavardage des deux anciens amoureux, elle favorise la remontée des souvenirs et le rapprochement des esprits. Je pense à Elle et lui, de Leo McCarey : ils se sont juré de se retrouver six mois après ; ils ont manqué leur rendez-vous ; ils se sentent vieillir.
Il ne se passe rien dans ce film. On y parle d'une manière plutôt intelligente des hommes et des femmes en général, d'un homme et d'une femme en particulier. La caméra se rapproche peu à peu des personnages ; la lumière du jour décline. Aucune folie : ils ont tous deux dépassé la trentaine ; les barrières vacillent pourtant. Avec une suprême élégance.
Publié par thbz at mars 22, 2005 | Commentaires (8)
mars 10, 2005
10 mars 2005 - Graffiti - Paris - (lien permanent)
Graffitis à Saint-Sulpice
A Saint-Sulpice, on ne voit pas que des moines albinos à cagoule qui cherchent le méridien de Paris que seul un romancier peut faire passer par là. J'ai déjà mentionné la statue de saint Joseph, couverte d'implorations manuscrites. On trouve toutefois des graffitis un peu partout dans l'église. Tous ne sont pas entièrement compatibles avec les dix commandements. Ainsi celui-ci :
..., que l'on trouve sur le pan de la robe de saint Vincent de Paul :
Publié par thbz at mars 10, 2005 | Commentaires (0)
mars 04, 2005
04 mars 2005 - Italie - (lien permanent)
Le pillage artistique de l'Italie par les armées de Napoléon
... ou comment les plus grandes œuvres du Pérugin se sont retrouvées dans des musées français de province.
On a dit beaucoup de mal du projet d'informatisation de la Bibliothèque Nationale de France. C'est pourtant grâce à lui que j'ai pu lire sur le site Gallica des pages passionnantes sur le pillage artistique de l'Italie par les armées de Bonaparte et par celles de Napoléon. Dans les Pélerinages ombriens : études d'art et de voyage (1896), l'abbé Broussolle, français de naissance mais ombrien de cœur, consacre une étude à ce sujet à peu près ignoré des Français. Il ne traite que du cas de Pérouse en partant de la constatation suivante : on ne trouve à Pérouse guère d'œuvres majeures du plus célèbre peintre local, le Pérugin.
L'explication est simple : nos ancêtres les Français sont passés par là. Dès 1793, alors que Napoléon était à peine Bonaparte, des « citoyens instruits » accompagnaient les armées de la jeune République afin « de reconnaître et de faire apporter avec précautions les chefs d'œuvre qui se trouvent dans les pays où nos armées ont pénétré » .
Quelques années plus tard, les succès de la campagne d'Italie permettent à Bonaparte de réclamer au pape Pie VI, par le traité de Tolentino (19 février 1797), un énorme tribut en œuvres d'art. L'affaire est rondement menée. Un commissaire de Bonaparte se présente à Pérouse dès la signature du traité. Du 20 au 22 février, il rafle les meilleurs tableaux de l'église Saint-Augustin, du couvent Saint-Antoine. Malgré la pression des armées françaises toutes proches, les habitants tentent de contrecarrer l'action du commissaire français : on cache les tableaux dans les caves, on jette un reliquaire au fond d'un puits, on démantèle un rétable pour sauver, au moins, la prédelle...
Mais ce n'est pas fini. Les pillages ont commencé en même temps que la carrière de Bonaparte et se termineront avec la fin de celle de Napoléon. En 1811, l'usurpateur pille à nouveau l'Italie. Pardon, un décret impérial exige « la réunion au domaine de la couronne des tableaux et objets d'art existant dans les bâtiments publics des départements de Rome et du Trasimène » . On verra ces tableaux dans les musées français avec l'inscription suivante : « offert à S. M. Napoléon par la ville de Pérouse »... Ces tableaux arriveront à Paris au mois de janvier 1814. Denon aura à peine le temps de les installer dans le musée Napoléon, c'est à dire le Louvre, avant que les armées alliées n'entrent dans la ville le 31 mars...
D'après l'abbé Broussolle, ces pillages ont causé plus de dommages à l'image de notre pays en Italie que l'occupation militaire elle-même, dans un pays souvent soumis à des forces étrangères.
L'histoire n'est pas terminée. Car les alliés sont aussi conscient de la valeur de ces trésors que les Italiens et que les Français. Ils forcent donc, les armes à la main, le directeur du Louvre à rendre un grand nombre des tableaux volés, qui vont reprendre le chemin de Rome.
Pourtant la plupart des tableaux du Pérugin vont rester en France. Pourquoi ? Parce que les Français n'avaient pas à cette époque une grande estime pour le peintre de Pérouse. Lorsque le commissaire français avait ramené ses tableaux en France, en 1797, on ne les avait pas jugés dignes d'être exposés au Louvre. Ils avaient donc été envoyés dans les musées de province. À cette dispersion des tableaux, il faut ajouter la mauvaise volonté des directeurs de musée, qui a permis aux chefs d'œuvre de Pérugin, comme l'Ascension (Lyon), ou le Mariage de la Vierge (Caen), de rester en France. On peut les y voir encore aujourd'hui, sauf la Vierge de l'Annonciation, qui a brûlé à Strasbourg en 1870.
L'abbé Jacques-Camille Broussolle raconte cette histoire dans un style très agréable. Il a l'enthousiasme d'un amateur qui ne parle que de sujets qui l'intéressent, et la persévérance d'un érudit qui se plonge dans les archives pour traiter son sujet à fond.
Publié par thbz at mars 04, 2005 | Commentaires (9)
mars 03, 2005
03 mars 2005 - New York 2002 - Plus - États-Unis - (lien permanent)
New York 2002
Sur certains vieux plans hollandais qui mettent le nord à droite, New York et sa baie ressemblent à la gueule entrouverte d'un monstre dont Staten Island et Brooklyn sont les mâchoires et dont la langue est Manhattan. J'ai passé une dizaine de jours dans cet antre en août 2002.
Je viens de mettre en ligne quelques notes prises à l'époque.
- L'arrivée à New York
- Les gratte-ciels de Manhattan
- Washington D.C., l'Angkor Vat américain
- Faire du tourisme aux États-Unis
- Le trou du World Trade Center
- 9/11, SoHo, Loisaida, 42ème rue : comment on invente des noms
- Passants à New York
- Chinatown, Little Italy, SoHo
- Banlieue américaine
- L'écrivain professionnel
- New York au mois d'août
- Inwood Hill Park
Publié par thbz at mars 03, 2005 | Commentaires (0)
mars 01, 2005
01 mars 2005 - Cinéma - (lien permanent)
Stormy Weather et Carmen Jones
Ce n'est peut-être pas une coïncidence puisque toutes les deux sont projetées dans des salles du réseau Action, mais on peut voir à Paris en ce moment deux comédies musicales américaines tournées entièrement avec des acteurs noirs. L'une des deux est un grand classique du genre, Stormy Weather, avec le danseur de claquettes Bill Robinson, l'extravagant showman Cab Calloway, Fats Waller dans sa très célèbre interprétation de "Ain't Misbehavin'" et les Nicholas Brothers dans un numéro de danse époustouflant. L'autre est une curiosité de Preminger, Carmen Jones, où l'on voit Harry Belafonte chanter, torse nu, l'opéra de Bizet d'une voix de fausset (doublée !).
La principale caractéristique de ces films, celle que les commentateurs, y compris moi, citent dès la première phrase, c'est que les interprètes sont tous noirs. C'est vrai des protagonistes, mais aussi des seconds rôles, des figurants et des moindres passants. Aucun mélange dans ces films. Peut-être ne pouvait-on pas, à l'époque, donner des rôles secondaires à des blancs lorsque les premiers rôles étaient tenus par des noirs ? Fallait-il, pour que le public puisse s'identifier à un héros noir, que l'on oublie l'existence des blancs ?
Cela peut se comprendre dans une certaine mesure pour Stormy Weather, qui se déroule dans le milieu du spectacle et du jazz. Carmen Jones, en revanche, se déroule dans une Amérique populaire. Or, dans cette Amérique, les soldats sont noirs, les sergents sont noirs, les passants dans la rue, les commerçants, les policiers sont noirs. Toutefois ils ne sont pas tous noirs au même degré. Les héros, eux, ont la peau plus claire. Harry Belafonte, jeune premier, et Dorothy Dandridge, très belle Carmen, sont plus Américains qu'Afro. Or en Amérique, une seule goutte de sang noir suffit à définir la couleur de la peau (voir Imitation of life de Douglas Sirk ou John Stahl).
Carmen Jones invente donc un monde mono-ethnique noir dans lequel les plus séduisants sont ceux qui ont la peau claire, sans pour autant qu'ils cessent d'appartenir au monde des noirs. Aujourd'hui on trouverait ce film assez raciste. De même, dans Stormy Weather, certains Afro-Américains (ou noirs, ou blacks, selon le nom qu'ils préfèrent) s'indigneraient que le film réduise les noirs à leur don supposé pour la musique rythmée. A l'époque, pourtant, ces films ont dû paraître très progressistes: Hollywood ne donnait pas souvent un premier rôle à un homme de couleur.
Publié par thbz at mars 01, 2005 | Commentaires (0)