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28 août 2008 - Divers

Funeste Oreste

Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle ;
Et déjà son courroux semble s'être adouci
Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici.
Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes vœux si funeste
Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste ?

On peut être un grand écrivain avec très peu de vocabulaire. En relisant Andromaque, longtemps après l'avoir pratiqué au lycée, c'est le retour régulier des mêmes mots, des mêmes expressions, des mêmes images sous la plume de Racine qui m'a frappé, vers après vers, scène après scène. Les rimes, surtout, reviennent constamment et surprennent rarement.

J'ai vérifié cette intuition en réalisant un petit analyseur syntaxique pour extraire et trier toutes les rimes du texte. Ainsi Oreste apparaît-il dans 11 rimes : 8 fois avec funeste, 3 avec reste. Madame rime 8 fois (sur 9) avec âme, Hector 9 fois (sur 10) avec encor. Andromaque ne rime qu'avec attaque (3 fois). Alarmes, armes, charmes et larmes se répondent deux à deux tout au long de la pièce. La colère appelle aussi bien le père que la mère, l'adjectif sévère que le verbe plaire et le substantif misère. Lorsque tu cours, c'est presque toujours vers toujours. L'ennui rime avec lui, tandis qu'elle ne va qu'avec cruelle, infidèle, rebelle.

Enfin, les têtes sur lesquelles sifflent les serpents font écho aux mains prêtes des Furies.

Les rimes témoignent également que nous ne prononçons pas toujours les mots de la même manière que les contemporains de Louis XIV : Pyrrhus rime avec confus, plus, refus, vertus, fils avec tous les participes passés en i ; et que nous ne les écrivons pas toujours, non plus, selon les mêmes règles :

Sans parents, sans amis, sans espoir que sur moi ;
Je puis perdre son fils, peut-être je le doi ;

Vous pouvez voir les résultats complets avec le programme d'analyse.

Publié par thbz le 28 août 2008

4 commentaire(s)

1. Par MyNight  (03 septembre 2008) :

Thierry, ton analyseur intéresserait sans doute quelques labos de linguistique !... Très intéressant en tout cas, même si ce sujet a déjà été beaucoup étudié. Tu devrais faire la même chose, pour comparer, avec Corneille par exemple, et puis appliquer ce genre de méthode à Baudelaire pour commencer, et faire des stats entre les poètes du Parnasse, du symbolisme et des décadents. Je suis à peu près certain qu'on arriverait ainsi à caractériser un genre, en tout cas pour le Parnasse c'est pratiquement sûr. Très intéressant, en tout cas !

2. Par thbz  (06 septembre 2008) :

C'est quelques lignes de Javascript écrites rapidement, il suffit de regarder le code source de la page pour le récupérer. Le problème, c'est surtout que le texte de la pièce doit etre à peu près bien mis en forme...

3. Par Julie  (12 janvier 2012) :

C'est clair que cet outil devrait être présenté à des laboratoires spécialisés en linguistique. Ce post est assez ancien, est-ce que cela a été fait.
En tt cas chapeau pour ce beau boulot. J'adore !

Julie

4. Par thbz  (12 janvier 2012) :

Merci Julie, mais je ne me suis pas donné la peine de soumettre cet outil à des labos de linguistique car ils ont certainement des outils autrement plus puissants... En tout cas cela m'a amusé de le faire.

D'ailleurs j'avais complètement oublié que j'avais fait ce petit programme et cet article !

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