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25 août 2008 - FranceLes ventas
On a cru, dans le Sud-Ouest, qu'elles disparaîtraient avec le Marché Commun. Non, les ventas ont survécu. Elles se sont transformées, on n'y fait plus des affaires aussi bonnes qu'avant, mais l'unification de l'Europe n'a pas harmonisé la fiscalisation comme on s'y attendait. Ces établissements continuent donc d'accueillir des Français qui viennent faire provision en Espagne de produits moins chers.
C'était autrefois un sport à sensations. Les gens du Sud-Ouest allaient en voiture dans ces espaces commerciaux situés juste de l'autre côté de la frontière, à Béhobie, à Ibardin, à Dancharia, ils cachaient des bouteilles d'alcool sous une couverture au fond du coffre, ils enfilaient trois chemises sous leur pull, glissaient des paquets de cigarette sous les sièges et, repassant du côté français, disaient d'un air dégagé aux douaniers : « non, rien à déclarer ».
Aujourd'hui, on peut emporter plus de cent litres d'alcool en toute légalité. Le frisson n'y est donc plus. Reste la satisfaction d'acheter moins cher. Un peu moins cher. Enfin, on pense. Cela paie-t-il même l'essence qu'on utilise pour aller là-bas ?
Les ventas, c'est donc un espace uniquement dédié à la consommation et aux Français. Aucun exotisme, aucune sensation de tourisme : on est légalement en Espagne, fiscalement en Espagne, mais les façades sont tournées vers la France. Tout est écrit en français, les caissières parlent français. On y trouve des boissons qui plaisent aux Français, des produits qui leur sont spécialement destinés (gilets fluorescents imposés par la nouvelle réglementation). Aucun Espagnol ne vient probablement ici, sinon pour y travailler.
Une excursion à Arnéguy montre que les ventas évoluent.
Arnéguy, c'est quelques kilomètres après le très touristique village de Saint-Jean-Pied-de-Port, le long d'une rivière. On peut garer la voiture sur un petit parking et traverser la rivière sur un petit pont. De l'autre côté, c'est l'Espagne, même si aucun panneau ne le signale.
On traverse d'abord une rue bordée uniquement de ventas. Ce sont les ventas à l'ancienne : des boutiques assez petites, sans aucune architecture, de simples espaces couverts sous lesquels sont accumulés les produits. Mais leurs portes sont fermées, leurs enseignes s'en vont peu à peu avec le vent, elles sont à l'abandon.
Ce quartier fantôme est dominé par les ventas du 21e siècle : des centres commerciaux modernes, sur plusieurs étages, bien éclairés, bien organisés, avec des files d'attente aux caisses et des sites web.
Alors on s'interroge : cette architecture un peu fantaisiste, ce pastiche de tour médiévale, on s'attendrait plutôt à les trouver en Amérique du Nord ou en Extrême-Orient. Pas vraiment en Europe.
Et l'impression d'étrangeté persiste à l'intérieur. Ces produits qui imitent les grandes marques mais en préservant un décalage explicité, sans risque donc de tromper le consommateur, les Français les achèteraient-ils en France ?
Avec les ventas, on n'est pas en France, on n'est pas vraiment en Espagne, on est dans un pays non répertorié, né par génération spontanée dans les interstices de la législation européenne, occupé par des consommateurs et non par des habitants, mais maintenu en vie par la tradition plus que par l'intérêt réel des visiteurs.
Publié par thbz le 25 août 2008
1 commentaire(s)
1. Par joce62 (27 août 2008) :
ah les ventas me laissent un bon souvenir des vacances au pays basque. je ne me rappelle plus le nom du col ou elles étaient installées, mais quand mon mari a demandé a la caissiére si on était en espagne, elle lui a été séchement répondu : mais on est basque monsieur...je pense que cette ventas était prés de la rhune ou il y a le petit train. on a bu une excellente sangria,dégusté des tapas, du jambon cru, de l'excellent fromage de brebis, pris un digestif a l'anis puis acheté qq vêtements, des spécialités du pays et un affreux alcool dont l'étiquette inscrite en espagnol nous a égaré...en redescendant de ce col, on a quand même vu les douaniers...
amitiés,
jocelyne