« Villes verticales de Sicile | Accueil | »

13 septembre 2008 - Arts, architecture... - Italie

Baroque en Sicile

D'après Heinrich Wölfflin dans Renaissance et Baroque, le style baroque se caractérise par la recherche de masses larges et lourdes ; par des angles arrondis, rognés par la multiplication des colonnes, jusqu'à les faire disparaître ; par des façades incurvées ou au contraire bombées, où le second étage est beaucoup moins large que le premier, auquel il est lié par des consoles ; par des frontons rompus (j'expliquerai plus bas tout cela par des photos) ; par l'accumulation sur les parois de colonnes redoublées ou torsadées, de pilastres, de statues, de médaillons et autres motifs décoratifs, jusqu'à faire perdre de vue la paroi elle-même. Ainsi s'exclame-t-il devant Saint-Pierre de Rome :

Devant toute cette abondance de motifs superposés et enchevêtrés, on ne sait presque plus où se trouve réellement le mur qui clôt l'espace. Et c'est justement cette aversion pour toute délimitation précise qui est peut-être le trait le plus marquant de ce style.

Je ne rapporte ici que ses remarques relatives aux façades d'églises. Il ne prétend décrire que la première période du baroque à Rome, seule qui l'intéresse dans ce livre (il l'écrit à l'âge de 24 ans après un voyage en Italie). Voyons ce qu'il en est de la Sicile.

En Sicile, le baroque a été introduit par les Espagnols, qui dominent l'île jusqu'au début du XVIIIe siècle. Il est présent à Palerme dans de nombreuses églises et se généralise dans tout le sud-est de l'île après le tremblement de terre de 1693. Cette catastrophe détruit la plupart des villes de la région de Noto et de Syracuse, qui perdent presque tout leur patrimoine architectural antérieur. Elles seront reconstruites, sur place ou à quelque distance. Le baroque n'est pas né en Sicile, mais nulle part ailleurs, peut-être, il n'est aussi présent.

Un exemple de façade sur deux niveaux, avec consoles (les trucs arrondis au second niveau de part et d'autre), façade bombée au centre, colonnes redoublées mais pas partout, décoration assez sobre avec quelques œils-de-bœufs et médaillons (Modica, église San Giorgio) :

Des colonnes torsadées à l'église San Francesco Saverio de Palerme (les plus célèvres colonnes torsadées sont celles du baldaquin du Bernin à Saint-Pierre de Rome) :

À Noto, une façade très convexe à l'église de Montevergine :

À Syracuse, la très belle façade du Duomo, avec deux frontons rompus (les triangles auxquels manquent la partie centrale) au-dessus du portail et tout au sommet de la façade :

Le Duomo de Catane, au blanc et gris élégant...

... et à la façade agitée de vagues, les chapiteaux de colonnes semblant s'orienter chacun dans une direction différente :

Le joyau absolu, le Duomo de Noto face au soleil couchant, pour le plaisir de voir une cathédrale baroque neuve (détruit par un effondrement en 1996, il a été entièrement reconstruit) :

Enfin, dans la ville idéale de Raguse, le sublime Duomo qu'on ne peut voir qu'en levant les yeux, perché au sommet de la place principale où nul arbre ne peut lui faire ombre :

Triples colonnes, consoles augmentées de sculptures aériennes, façade bombée, toute claire, matinale, au-delà de laquelle même le dôme rajouté au XIXe siècle est élégant :

Voilà, on a retrouvé à peu près tous les éléments de Wölfflin sur les façades. Quant aux intérieurs, cela sera peut-être pour une autre fois...


Publié par thbz le 13 septembre 2008

2 commentaire(s)

1. Par S.  (17 septembre 2008) :

Cette fois-ci tu nous a un peu gâté avec ces merveilles.
J'aurais aimé savoir ce qui concerne la cathédrale baroque "neuve" bien que, terme assez paradoxal, quel apparence elle peut dégager? Une copie neuve sans âme ou bien une reconstitution parfaite avec des dorures à l'ancienne et quelques éléments architecturaux ou décoratifs sauvés après la catastrophe? Quel était ton sentiment face à ce genre d'architecture?
Je te donne encore une fois du boulot? Oui mais c'est trop tentant quand on lit un article pareil.:-)
Merci pour ce petit voyage dans le temps.

2. Par thbz  (18 septembre 2008) :

Le Duomo de Noto est "nu" en ce sens qu'il ne comporte pas encore de décoration intérieure et qu'il n'a pas la patine du temps. Mais il ne faut pas être snob, c'est un magnifique bâtiment, ils ont eu raison de le reconstruire à l'identique.

Publier un commentaire :




Se souvenir de moi ?


Textes et photos (sauf mention contraire) : Thierry Bézecourt - Mentions légales