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30 décembre 2008 - Cinéma - ParisCléo de 5 à 7
Cléo de 5 à 7 est un film d'Agnès Varda, sorti en 1962. Je ne l'ai vu qu'aujourd'hui ; comment est-ce possible ? Il ne passe pas très souvent sur les écrans parisiens, c'est vrai. C'est pourtant un film formidable, où quelques maladresses sont compensées par une imagination sans bornes et une grande maîtrise du récit. C'est un voyage dans les rues de Paris, tourné en temps réel. Deux sources de plaisir immédiat pour le cinéphile promeneur :
- le cinéphile : parce que l'histoire dure une heure trente, comme le film. Le spectateur la vit, la découvre au même rythme, quatre-vingt dix minutes durant, que les personnages qu'il voit sur l'écran. Il s'amuse à noter les expérimentations : le premier rôle donné aux femmes, et même la totalité des rôles avant l'arrivée dans le loft de Cloé ; les jeux de miroirs très sophistiqués du premier tiers du film, qui voient les images de Cléo essayant un chapeau, de la vendeuse obséquieuse, des passants dans la rue, des voitures, des cavaliers de la Garde Républicaine et de son amie se mélanger sans jamais se confondre à travers les vitres transparentes ou réfléchissantes ; le faux court-métrage burlesque dans lequel Jean-Luc Godard, Anna Karina, Eddie Constantine, Samy Frey, Yves Robert, Jean-Luc Brialy et d'autres visages trop maquillés courent en trépignant pour imiter les vieux films muets projetés à 24 images/secondes au lieu de 18 ; des affiches de film sur les murs et les devantures de cinéma : Le Chien Andalou aux Ursulines, Elmer Gantry quelque part vers Montparnasse, La Terre des Pharaons, un Don Camillo, tant d'autres titres oubliés...
- le promeneur : parce que les sites de Paris où le film a été tourné sont toujours reconnaissables et que les transitions, chose rare, sont véridiques. Au contraire de Before Sunset, autre road movie parisien, Cloé de 5 à 7 ne trompe jamais sur les parcours : c'est du temps réel dans un espace réel. Mais la réalité a changé depuis le mois de juin 1961. Le marcheur parisien du 21ème siècle connaît un Paris avec des murs moins noirs, des quartiers qui semblent plus bourgeois, peut-être parce que les trottoirs sont moins encombrés de voitures ; il sait que, dans le chantier face au palais du Luxembourg, s'élève aujourd'hui un immeuble de bureaux que beaucoup croient sans doute ancien ; à la place de la sinistre gare Montparnasse, une tour de 200 mètres ; au coin de la rue Bobillot et de la place d'Italie, non plus des cafés et brasseries traditionnels mais un centre commercial à la façade de verre. Et c'est presque avec étonnement que le promeneur retrouver tant d'endroits inchangés : le carrefour de l'Odéon, la place Denfert-Rochereau, l'escalier qui monte de l'avenue René Coty vers la rue de l'Aude, le doux romantisme du parc Montsouris.
Publié par thbz le 30 décembre 2008
3 commentaire(s)
1. Par Eric (01 janvier 2009) :
Un petit coucou de Bucarest, d'où je te souhaite une bonne et heureuse année 2009.
Effectivement, il était temps que tu voies ce film, dont certain(e)s pensent qu'il fut sous-estimé à l'époque de sa sortie par la critique (mais pas par le public) parce qu'il était réalisé par une femme, avec dans le premier rôle une femme préoccupée par des problèmes féminins.
On parlait alors du groupe "rive gauche", les court-métragistes Varda, Demy, Franju et Resnais, par opposition aux "jeunes turcs" des Cahiers du Cinéma, les critiques Truffaut, Rohmer, Godard, Chabrol etc., mais cette dichotomie n'a pas résisté à l'épreuve du temps. Difficile de trouver, de nos jours, des similitudes entre les films de Chabrol, Godard et Rohmer, si ce n'est l'âge de plus en plus vénérable de leurs réalisateurs.
En revanche "Cléo de 5 à 7" a très bien résisté, grâce à son aspect documentaire compte-à-rebours, genre série télé "24 heures chrono" avant l'heure. Agnès Varda a ensuite réalisé aussi bien des films de fiction que des documentaires. Le dernier en date, "Les plages d'Agnès", une sorte d'auto-documentaire, est sur les écrans actuellement. En parleras-tu?
Parmi les "guest stars" tu as oublié de mentionner Michel Legrand dans le rôle de Bob le pianiste. Il joue nonchalamment sa propre musique au piano. Legrand a composé pour le mari d'Agnès Varda, Jacques Demy, la musique de dix films en tout, dont "Les parapluies de Cherbourg", "Les demoiselles de Rochefort" et "Peau d'âne".
2. Par thbz (01 janvier 2009) :
Salut Eric, content de voir ici et bonne année à tous les deux. Les Plages d'Agnès sont très bien, c'est la première scène du film (jeux de miroirs sur une plage) que j'ai le plus apprécié. Mais je n'ai pas grand'chose à en dire. J'en suis encore à découvrir des réalisateurs comme Agnès Varda ou Werner Herzog (à Beaubourg).
Bonne idée, la comparaison avec "24 heures chrono". A l'époque, elle a sûrement pensé à La Corde.
Par ailleurs, ne rate pas Louise-Michel quand tu en auras l'occasion !
3. Par Maria (14 janvier 2009) :
J'aime ce film.