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10 février 2018 - Arts, architecture...

Cadre

Parfois dans un musée, un morceau de mur reste vide. Un tableau a été retiré. Sur son emplacement, un tout petit papier indique avec la sécheresse d'un formulaire administratif qu'il est prêté à un autre musée ou envoyé en restauration. Les autres tableaux restent exposés de part et d'autre. Quelque chose gêne. L'équilibre de l'accrochage est rompu.

Cette fois-ci le Louvre a procédé différemment. Ayant envoyé à Abu Dhabi un grand tableau de Rubens, le musée ne s'est pas contenté de le remplacer par un bout de papier.

D'une nécessité (le cadre est trop lourd pour voyager), le musée a fait une source d'instruction pour le public : la toile étant absente, c'est le cadre lui-même qui est exposé.

Il est pourvu de son propre carton descriptif, réalisé sur le même modèle que celui des grands tableaux flamands accrochés dans la même pièce.

En regardant le cadre pour lui-même, on découvre qu'il peut avoir une vie propre. Ainsi a-t-il été réalisé au 18e siècle seulement, alors que la toile de Rubens date de 1620 environ. Rien en lui, sauf les dimensions, ne le rapproche du sujet peint ; il pourrait accompagner n'importe quel tableau du 16e au 19e siècles, pourvu que les dimensions conviennent. Peut-être faut-il toutefois le réserver à un sujet d'une certaine dignité, pour justifier le poids de ses dorures.

Que voit-on donc dans ce cadre, puisqu'on est invité à le regarder ? Un motif ornemental très courant, les « oves et dards » (alternance d'œufs et de flèches), court sur chacun des quatre côtés ; les coins sont renforcés par des motifs végétaux, en particulier des feuilles d'acanthe ; une belle dorure recouvre l'ensemble. Tout est riche sans paraître excessif.

Et au milieu, un mur vide. Cette belle fenêtre ne permet de contempler aucune scène. Vide, accrochée sur le mur d'un musée, elle a dû perdre sa fonction de cadre pour qu'un concours de circonstances lui permette d'être enfin regardée comme une œuvre d'art.

Publié par thbz le 10 février 2018

2 commentaire(s)

1. Par Détails d'architecture  (04 mars 2018) :

Très curieux! Comme un éloge du vide qui met en avant ce qui l'entoure... C'est un sujet intéressant qui a été traité d'une manière intelligente par le musée. Toutefois, c'est la première fois que j'entends parler d'une chose pareille mais cela pourra donner des idées. (Il fallait que tu tombes dessus, c'est ça qui est le plus atypique :-))

2. Par thbz  (10 mars 2018) :

Oui, en effet je suis tombé dessus par hasard. Mais j'avais lu un article à ce sujet quelques jours plus tôt, donc mon œil était sans doute prêt à voir ce que d'autres visiteurs n'auront sans doute pas remarqué...

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