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17 février 2006 - Divers

Deus caritas est

Joseph Ratzinger, c'est à dire Benoît XVI, est un bon écrivain. Sa première encyclique, intitulée Deus est caritas, aborde l'amour chrétien, vaste sujet qui va de l'amour amoureux à la charité. On lit souvent dans les mariages la Lettre de saint Paul aux Corinthiens sans savoir que ce texte n'a pas grand'chose à voir avec le sentiment qui relie un homme à une femme : saint Paul parle en fait de charité.

Extrait de l'encyclique (fin de la première partie) :

[L'amour du prochain] consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais même pas. Cela ne peut se réaliser qu’à partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusqu’à toucher le sentiment. J’apprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. Au-delà de l’apparence extérieure de l’autre, jaillit son attente intérieure d’un geste d’amour, d’un geste d’attention, que je ne lui donne pas seulement à travers des organisations créées à cet effet, l’acceptant peut-être comme une nécessité politique. Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à l’autre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. Ici apparaît l’interaction nécessaire entre amour de Dieu et amour du prochain, sur laquelle insiste tant la Première Lettre de Jean. Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être «pieux» et accomplir mes «devoirs religieux», alors même ma relation à Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement «correcte», mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer.

La seconde partie contient une discussion intéressante de ce qui relève de l'État ou de l'Église dans la recherche de la justice.

J'ai toujours été fasciné par la valeur intellectuelle de certains penseurs religieux et l'énergie qu'ils dépensent, depuis saint Augustin, à développer des discours qui reposent, en dernière analyse, sur Dieu. Or Dieu n'existe pas, donc des talents aussi remarquables sont entièrement gâchés. Reste le plaisir que ces textes fournissent à la lecture et le soutien qu'ils peuvent apporter aux croyants. Deus est caritas est une lecture passionnante qui touche souvent juste sur le plan psychologique.

Publié par thbz le 17 février 2006

7 commentaire(s)

1. Par ZeGogo  (24 mars 2006) :

!!! Ce texte réapparaît !

Dieu n'existe pas ... Tu y vas fort. L'existence de Dieu et pour moi un indécidable (on ne peut pas prouver qu'il existe mais on ne peut pas prouver qu'il n'existe pas). Ce n'est pas l'intelligence qui parle mais l'intuition. Il est vrai que la conception biblique de Dieu est difficile à avaler tout de même...

Bon, on peut quand même constater l'intolérance totale du texte vis à vis des agnostiques. Si je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas aimer mon prochain. C'est d'autant plus stupide que j'ai l'impression qu'en ce moment on a plutôt tendance à s'étriper joyeusement pour des questions religieuses. Une conception laïque ou chacun est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer sa religion me semble un meilleur substrat pour la tolérance et l'amour du prochain.

Si on transpose un peu le texte, on pourrait en tirer l'idée que l'amour du prochain n'est possible que dans une certaine transcendance : je n'aime pas l'autre parce qu'il est mon semblable, mais parce qu'il est un être humain ou mieux un être (l'amour de la nature, ça existe aussi, la nature n'est pas donnée à l'homme n'en déplaisse aux chrétiens).

2. Par thbz  (25 mars 2006) :

Certes, on ne peut pas démontrer que Dieu n'existe pas. On ne peut pas non plus démontrer que la licorne n'existe pas. Ni que Zeus n'existe pas.

On peut toutefois passer le rasoir d'Ockham sur tous ces concepts qui n'apportent pas grand'chose à notre compréhension du monde. L'hypothèse « Dieu » pose plus de questions nouvelles qu'elle n'apporte de réponses.

3. Par Kas  (30 mai 2007) :

je propose qu'en fait on s'en foute si dieu éxistasse ou non puisque de toute façon ça change quedalle ou du moins pas grand chose et que de toute façon il fait faire des trucs vachement cool a des types pas forcémment cools

4. Par S.  (30 mai 2007) :

Tiens, j'avais même pas vu ce sujet, je suis venue pour chercher un autre sujet et je tombe par hasard sur celui-là qui m'intrigue et me fait réagir:-)
Réaction que je garde pour moi, pour épargner tes sensibles oreilles mais je complète ta conclusion en ajoutant que la "croyance" est fondamentale...
(dans tout le sens que ce mot peut générer et indépendamment de Dieu.)
Du coup, j'ai pas vu le sujet pour lequel j'étais dans ce blog, je le laisse pour une autre fois...

5. Par thbz  (30 mai 2007) :

Oui, bon, parfois j'émets des idées comme cela, mais ce n'est pas bien important. Dieu n'a jamais réussi à me faire croire à son existence ; ma boulangère, en revanche, y parvient tous les soirs. C'est pourquoi je préfère m'adresser à elle et non à Lui pour obtenir aujourd'hui mon pain de ce jour...

6. Par S.  (30 mai 2007) :

Quelle philosophie :-)
(et quand elle part en vacances?):-)

7. Par thbz  (30 mai 2007) :

Bah, à Paris on a toujours un boulanger ouvert pas très loin. Même le soir. La vie dans une grande ville n'encourage pas à la métaphysique...

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