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31 mai 2006 - EuropeBucarest : la ville communiste
la ville communiste - publicités
Encore une parenthèse avant d'en arriver à la vedette architecturale de Bucarest. Plus de vingt ans avant le palais du Parlement, le pouvoir communiste construisait au milieu des années 1950 un premier géant réaliste-socialiste, dont l'objet même nous paraît incroyable : réunir dans les mêmes murs tous les organes de presse et les maisons d'édition.
Seize ans après la Révolution de 1989, les sièges de journaux occupent toujours cette Maison de la Presse Libre, Casa Presei Libere. Signe des temps, ils ont été rejoints par la Bourse de Bucarest.
Attention, cette photo ne montre que la partie centrale du bâtiment. Elle monte à plus de cent mètres avec son antenne, point culminant de Bucarest, mais ses dépendances couvrent une superficie énorme comme on peut le voir sur Google Earth :
C'est après le tremblement de terre de 1977 que l'urbanisme communiste, avec Ceaucescu, s'est lancé à plein régime avec la construction non seulement de l'un des deux ou trois plus gros bâtiments du monde mais aussi d'un quartier démesuré.
Le palais du Parlement, anciennement maison du Peuple, c'est d'abord des chiffres : 270 mètres par 240, 86 mètres de hauteur, 1100 pièces et douze étages. C'est aussi une bonne partie du Bucarest ancien que Ceausescu a rasée pour construire le palais et le quartier environnant.
Un style assez difficile à définir. Symétrie absolue, fenêtres à grands carreaux rectangulaires ou à sommet en demi-cercle, colonnes grecques et triglyphes. Disons un style « européen ». Une sorte d'hôtel de Crillon en beaucoup plus grand.
Le bâtiment n'est toutefois pas aussi imposant qu'on pourrait le croire. Peut-être est-ce dû à sa situation, tellement dégagée qu'on ne peut pas comparer sa masse à celle des bâtiments environnants. Ou bien est-ce parce que le faible nombre d'étages, par rapport à la hauteur du bâtiment, réduit l'effet de hauteur. Sans doute faut-il aussi prendre en compte une architecture assez paresseuse : cette forme manque d'élan.
C'est sans doute à l'intérieur qu'on a la plus grande surprise. Le marbre de Transylvanie couvre des kilomètres de murs, la moindre pièce est ornée, sinon vraiment éclairée, d'un grand lustre de cristal. Grands escaliers, carrelages sophistiqués et couloirs vides font du palais un décor de film idéal. Le plafond est à huit mètres de hauteur, toutes les dimensions sont doublées par rapport à un palais normal. La surface vraiment utile ne représente finalement qu'une petite partie de la surface construite.
Je n'ai pas pris de photo à l'intérieur. On en trouvera sur le site de la Chambre des Députés roumaine.
Le visiteur est émerveillé mais cherche en vain, dans cette architecture digne d'un autre siècle, les traces d'une histoire inexistante. Le palais n'est pas entièrement terminé. Presque pas de tableaux sur les murs, ni de meubles dans les recoins. Un hall immense est décoré par quelques posters collés là par une équipe de cinéma qui tournait un film sur le Vatican ; l'équipe est partie, les posters sont restés parce qu'ils étaient jolis.
Le palais du Parlement a beau être perché sur sa colline, il s'inscrit dans un programme urbanistique d'ensemble. Face à lui, le boulevard Unirii, large comme les Champs-Élysées, s'étend sur plus de trois kilomètres. Il est bordé par une chaîne ininterrompue d'immeubles d'une trentaine de mètres de hauteur, chaîne qui s'évase en arrivant face au palais du Parlement.
On se croirait dans l'un des quartiers réalisés par Ricardo Bofill à peu près à la même époque en France, en particulier à Montpellier (Antigone). Les détails sont soignés : balcons en pierre ou en métal avec des motifs dans le genre de l'Art Déco et différents d'un immeuble à l'autre tandis qu'un gabarit commun, de genre post-haussmannien, unifie la rue : le 2e et le 7e ou 8e étage sont munis d'un grand balcon ou de loggias, la hauteur totale des immeubles est toujours la même et les façades rythmées par des colonnes et des bow-windows respectent plus ou moins l'alignement sur rue. Le style Ceausescu rejoint celui des autres époques de Bucarest sur un point : l'abondance de l'ornementation. Pas question, ici, de réaliser des surfaces lisses comme la tour Montparnasse.
Ne se croirait-on pas à Montpellier, au coucher du soleil ?
Toutefois, dès que l'on passe derrière ces façades monumentales, on trouve l'envers du décor. On se demande alors si, comme dans une bande dessinée de Schuiten et Peeters, tout ceci n'était pas qu'une illusion pour le promeneur, un voile sans matière.
Lorsqu'on contourne le palais par le sud, tout se dégrade peu à peu. L'Academia Romana, monumentale institution qui tente de rivaliser avec le palais du Parlement, se perd dans les herbes folles, au point qu'on se demande si elle est ou pas désaffectée.
Plus loin, l'architecture se fait moins monumentale et plus brutaliste...
... avec, toutefois, un goût pour les balcons et bow-windows qui, même ici, ne se dément pas.
Quant à l'urbanisme communiste qui a couvert la plus grande partie de Bucarest, en dehors du centre, d'immeubles collectifs tous identiques, je n'en ai rien vu. Sauf, peut-être, le tout début le long de Calea Moşilor.
Après 1989, la plupart des chantiers se sont arrêtés. Le Palais du Parlement, impossible à détruire, héberge des institutions officielles. Bucarest a découvert peu à peu l'économie capitaliste internationale et, avec elle, la mode des gratte-ciels de verre. Retour au point de départ de ce voyage.
Peut-être continuerai-je avec d'autres points de vue sur une ville sans complexe : publicités gigantesques, casinos et vie nocturne, contrastes à tous les coins de rue. Et la pauvreté omniprésente, ainsi que les démonstrations de foi des croyants qui brûlent des cierges à l'extérieur des églises orthodoxes.
Publié par thbz le 31 mai 2006
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7 commentaire(s)
1. Par amélie (23 novembre 2006) :
J'Y SUIS ALLEEEE !!!!
C'est trop bien, j'adore la Roumanie!!!
je suis partie là-bas deux semaines en février dernier, et c'était vraiment sympa.
2. Par marine (13 juillet 2009) :
Mon copain et roumain et meurs d'envie de découvrir sa culture son pays et cette langue roumaine qui est si jolie dans sa bouche ^^ je suis devenue une passionnée de l'histoire de ce pays
3. Par karim (05 mars 2014) :
Mon amie est roumaine c est MARIANA pour elle j ai adore la Roumanie , J aimerais bien y vivre
4. Par (09 avril 2014) :
je ne connaissais pas merci le pire cest les chiens errants...
5. Par Jean-Louis (27 octobre 2016) :
Il N'y a PAS de "chiens errants"; il y a des "chiens communautaires" !
J'ai vécu 3 ans à Bucarest et y retourne tous les ans 1 mois depuis presque 15 ans.
Oui, les animaux errants ont existé et étaient (sont ?) une plaie. c'est le résultat, 20 ans après, de la politique communiste vis à vis des animaux de compagnie : signe de capitalisme ... Maintenant, les animaux de compagnie ont repris leur droit de cité, les Roumains adorent les animaux. Les "animaux communautaires" sont nourris par des gens généreux ... et il y en a !
Noircir une situation, c'est facile, même en France ...
Jean-Louis,
un Français qui est amoureux de ce pays
6. Par thbz (29 octobre 2016) :
Merci pour les précisions. J'ignore sur quoi se base le commentaire précédant le vôtre, car je ne crois pas avoir parlé de chiens errants à Bucarest...
7. Par Détails d'architecture (26 février 2017) :
Bien que ton papier date de dix ans, il est surement d'actualité. Malgré la monumentalité des édifices, une certaine "finesse" semble se dégager dans le traitement des détails. Merci pour ces infos, elles me seront utiles.