« Les villes invisibles | Accueil | »

2 août 2008 - Cinéma

Wall.E

  • Boy meets girl, ils affrontent leurs problèmes et résolvent ceux du monde : c'est le schéma de base, typiquement hollywoodien, du dernier dessin animé de Pixar. Et pourtant dès le début de Wall.E, pendant toute la première partie, et encore de temps en temps dans la seconde partie, on est saisi par une forte sensation de jamais-vu. On n'a jamais vu, dans un dessin animé hollywoodien, une Terre transformée en décharge publique ; on n'a jamais vu, dans une production Disney, une humanité réduite à l'état de grosses larves toutes identiques ; des héros qui ne parlent presque pas ; un film quasiment muet pendant 30 minutes ; et un titre incompréhensible (Wall.E pour Waste Allocation Load Lifter Earth-Class, qu'il faut peut-être prononcer comme le prénom Wally).

    Ce qui frappe le plus dans les premières séquences, c'est l'hallucinante qualité de l'image (cinéma Max Linder, orchestre, projection numérique (je ne sais pas ce que c'est exactement, mais ça doit être bien puisqu'ils le signalent à l'entrée)). Le petit robot moche et sale se promène dans les ruines d'un New York d'après l'apocalypse et on voit tout : gratte-ciels, poutres métalliques, jouets cassés depuis sept cents ans, taches de crasse, grains de saleté, reflets de la lumière, halo dégagé par le moindre mouvement du robot dans la poussière. C'est le réalisme des peintures hollandaises du XVe siècle, à l'échelle d'un grand écran, vingt-quatre fois par seconde. Effets cinématographiques : l'image est plus ou moins nette selon les endroits afin de suggérer la mise au point de la caméra.

  • Les héros sont des robots. En eux se rencontrent la science-fiction propre de 2001, l'Odyssée de l'espace et celle, plus déglinguée, de Blade Runner ou d'Alien.

    Le petit robot sur chenilles est un pur mécanisme, souvent un peu cassé, mais vivant parce qu'il sait se réparer lui-même. Ses mouvements sont saccadés, il se démonte et se remonte tout seul. En cas de danger, il rentre ses bras articulés et la paire de jumelles qui lui sert de tête et prend la forme d'un cube de ferraille.

    Le robot blanc, lui, glisse dans les airs, lisse et immaculé, avec ses yeux de chat bleus. Libéré des lois de la gravité et de la saleté du monde, il se déplace avec fluidité. Lorsqu'il n'y a plus lieu pour lui de rester en communication avec le monde, il prend la forme d'un œuf ; c'est sans doute son état naturel, il pourrait y demeurer pendant des siècles.

  • Ces deux robots sont des travailleurs efficaces et infatigables. Ce sont aussi des enfants : ils jouent ensemble, font les fous, se roulent par terre, expérimentent tout ce qui leur tombe sous la main, collectionnent les objets qui leur paraissent jolis (un écrin est plus attirant que la bague qu'il contient). Le robot-ferraille est un peu masculin, le robot-œuf plutôt féminin. Leur pulsion sexuelle, comme celle des enfants, ne se représente comme objectif ultime que de se tenir par leurs mains de métal. Dans ce film hors norme les clichés aussi sont présents. C'est le décalage habituel des dessins animés et des contes pour enfants : le sentimentalisme des humains est transposé dans d'autres espèces, animales autrefois, aujourd'hui mécaniques depuis Toy Story.

  • Wall.E, c'est un récit aussi fou que ceux de Douglas Adams (The Hitchhiker's Guide to the Galaxy) mais sans sa loufoquerie. C'est l'histoire d'un nouveau départ pour l'humanité, dans un monde où Dieu est manifestement absent et où l'homme a perdu, au profit des robots, tout ce qui lui valait sa place éminente dans l'ordre de la Nature. Le happy end n'est pas très convaincant : il marque sans doute la fin de l'humanité dans un monde qui n'est plus fait pour lui. C'est évident : seuls les robots survivront.

  • Wall.E revisite l'ensemble du cinéma de science-fiction : le robot est laid et attachant, muet et rêveur comme l'extra-terrestre d'E.T., il reprend la danse dans l'espace de 2001 sur la même musique de Strauss. Il est plus sensible, mais de la même espèce que les robots de La Guerre des Étoiles. L'espace, pourtant, n'y est qu'un exil. Si sa traversée par le petit robot-ferraille est l'occasion d'une séquence follement poétique, le passage dans ses vastes étendues n'est que temporaire. L'humanité s'y est mise à l'abri en s'isolant au sein d'un vaisseau spatial où elle peut ignorer son immensité. Seule la Terre dévastée, ruinée, hostile, la Terre où nulle trace d'eau n'apparaît, nulle forme de vie avancée ne se manifeste, son sol giflé par des tempêtes auxquelles même les robots ne savent pas résister, seule cette Terre représente l'espoir d'un recommencement, d'une évolution : vrai lieu au fond d'un univers mort.

  • Wall.E, c'est aussi l'aboutissement du dessin animé numérique en tant qu'art. Le générique de fin est une succession de vignettes inspirées de la peinture pariétale, de l'art égyptien, des grands artistes jusqu'à Van Gogh, auxquels succèdent des ectoplasmes primitifs inspirés des premiers jeux vidéos : Wall.E ne prend pas la peine de se mesurer aux autres dessins animés high tech de ces dix dernières années, ni même au cinéma « en chair et en os » (ce que faisait Ants avec son faux bêtisier final), il s'inscrit carrément dans l'histoire de l'art.

  • La recette de Wall.E rappelle celle de Titanic il y a dix ans : sentimentalisme et intimisme dans la première partie, lutte contre les forces qui menacent le monde dans la deuxième. La plus haute technologie pour le plus grand spectacle, tout le savoir d'Hollywood au service d'un film intimiste et cosmique à la fois.

  • Je fais donc le pari : pour la première fois de l'histoire du cinéma, un dessin animé va remporter l'Oscar du meilleur film. Très original sans être déroutant, techniquement impressionnant, minutieusement scénarisé et réalisé afin d'être toujours intéressant, Wall.E est un film à Oscar, de la même manière que le jeu de Daniel Day Lewis dans There will be blood (lui aussi muet pendant la première demi-heure) était une performance à Oscar. Si vous passez par ici l'an prochain, allez donc vérifier si ma prédiction s'est réalisée sur la page Oscar du meilleur film de Wikipédia.

Mise à jour, février 2009 : Ahem, il n'a même pas été nominé...

Publié par thbz le 02 août 2008

3 commentaire(s)

1. Par perrot  (24 août 2008) :

excellent essayon de reagir de meme et ne pa faire la meme erreuer

2. Par  (26 décembre 2008) :

mercie a toi

3. Par Gabriel Tricottet  (06 juillet 2019) :

Salut, Ce film est magnifique :)
toute cette émotion et cette lecon d'humanité et d'anour donné par deux petits robots

Publier un commentaire :




Se souvenir de moi ?


Textes et photos (sauf mention contraire) : Thierry Bézecourt - Mentions légales