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janvier 08, 2005
08 janvier 2005 - Cinéma - Divers - (lien permanent)
Comment on devient un spécialiste sur le Web
Depuis quelque temps, j'ai inscrit en haut de chaque page de ce bloc-notes la mention suivante : « Attention ! Ceci est le Web. Ne croyez pas que ce que vous lisez a été écrit par un spécialiste. ».
C'est qu'on devient très vite un spécialiste sur le Web. Ainsi, je viens d'apprendre qu'on me considérait, dans certains coins du Web, comme un spécialiste du cinéma de Bollywood. C'est flatteur, mais pas très vrai.
Tout a commencé à la Cinémathèque, à l'été 2001. Au cours d'un festival consacré à la comédie musicale, j'ai vu mon premier film de Bollywood. J'ai eu la même surprise qu'un explorateur qui découvrirait, dans une forêt reculée, une nouvelle espèce d'hominidés qui aurait atteint un niveau de développement aussi poussé que le nôtre mais de manière totalement indépendante. Cela m'a poussé à écrire quelques paragraphes enflammés sur un forum consacré au cinéma, dont j'ai tiré plus tard la matière de deux articles intitulés Pakeezah : l'autre face du cinéma et Voir des films indiens à Paris, disponibles sur mon site Web.
Or, par la magie de Google, l'un de ces articles est arrivé très vite en tête des résultats de recherche sur les termes « films indiens ». Encore aujourd'hui, celui qui entre les mots « cinéma indien » dans Google News obtient en premier résultat mon article d'origine sur le forum fr.rec.cinema.discussion.
Cela faisait-il de moi un spécialiste ? Certainement pas. J'ai bien vu par la suite cinq ou dix autres films de Bollywood, en profitant des nombreuses sorties qui ont eu lieu en 2004. Certains étaient des chefs d'oeuvre ou de très bons films (Pakeezah, Mother India, les films de Raj Kapoor, Devdas...) ; d'autres, moins passionnants, laissaient renaître en moi le dédain traditionnel du cinéphile occidental pour le « kitsch » indien.
À cause de ces deux articles, pourtant, et du prestige que Google leur conférait, une étudiante m'a contacté par courrier électronique. Elle préparait un mémoire ou une enquête. J'ai répondu sans y prêter trop attention. Et je viens de découvrir que cet enquête, par ailleurs bien écrite et intéressante, avait effectivement été publiée sous le titre Bollywood-sur-Seine. On m'y qualifie de « passionné de la culture bollywood » et le lecteur non initié croira que mes réponses font autorité, puisque je suis la seule personne interviewée. Mieux encore, le titre de l'article me fait dire : « Ce cinéma est considéré comme d’arts et essais. » Ce titre, outre la faute d'orthographe qu'il m'attribue à tort, déforme mes propos en extrayant quelques mots de leur contexte :
Comme les films indiens ont une audience restreinte en France, ils sont toujours sous-titrés. Ils sont donc considérés comme de l’art et essai, ce qui est paradoxal pour un cinéma aussi populaire dans son pays que Bollywood....
Je ne suis pas du tout un spécialiste en cinéma indien. Dans ce domaine comme dans les autres, je ne suis qu'un amateur dilettante. J'ai vu une dizaine de films indiens pour plusieurs milliers de films d'autres pays. J'écris plus sur le cinéma indien que sur d'autres cinémas, certes, pour une raison très simple : parce que ce cinéma est moins connu ici que celui de Spielberg ou de Mizoguchi.
Dans mon métier, des années de pratique m'ont donné une compétence que mesurent mon salaire et l'appréciation de mes collègues. Cela me donne la légitimité pour utiliser l'argument d'autorité face à un non-spécialiste. En revanche, le lecteur de mon site Web ne doit pas croire que j'ai la moindre autorité pour parler du cinéma ou des autres sujets que j'aborde régulièrement. Rien, en effet, ne mesure ici ma compétence : ni la publication sur le Web, que rien ne contrôle, ni même un bon référencement sur Google, qui provient peut-être d'une écriture qui privilégie la clarté et les mots justes, c'est à dire justement ceux qu'un internaute choisira spontanément comme termes de recherche.
Bref, il faut se méfier du Web : on y devient un spécialiste beaucoup trop vite. Ne croyez pas que ce que vous avez trouvé par Google a été écrit par un spécialiste.
Publié par thbz (janvier 08, 2005) | Commentaires (0)
janvier 03, 2005
03 janvier 2005 - Graffiti - (lien permanent)
Mr. A en vacances
Mr. A, dont le visage drôle et dément animait les murs de Paris avant que les campagnes d'effaçage ne le fassent plus ou moins disparaître, prend parfois des vacances. Je l'ai croisé dans les Landes. Il affichait son rictus sur le mur d'une teinturerie :
et, juste en face, dans une vitrine :
D'après un article récent de Libération, le créateur de Mr. A s'occupe à présent d'une boîte de nuit branchouille à Paris. Les graffitis, ça mène à tout.
Publié par thbz (janvier 03, 2005) | Commentaires (3)