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février 07, 2012

07 février 2012 - Paris - (lien permanent)

La chaleur des orangers

« Il fait bon, ici !

— Par un temps pareil, madame, il y a seulement deux endroits agréables à Paris : ici et le long du mur des Tuileries ! »

En cette période où les gens hésitent à sortir, où des corps enserrés dans des manteaux en couches superposées rasent les murs à grandes enjambées, un petit coin du jardin du Luxembourg connaît une affluence inattendue.

Vingt à vingt-cinq personnes prennent chaque jour le soleil le long de l'Orangerie du jardin du Luxembourg. On peut imaginer qu'ils resteront pendant une heure, voire tout l'après-midi, dans un lieu qui bénéficie grâce à son exposition privilégiée, pour peu que les rayons de soleil traversent les nuages, d'un étonnant climat local.

Le reste du jardin n'est fréquenté que par des touristes qui viennent admirer, grelottants et pressés, les volutes de glace ornant les fontaines avant d'aller commander un chocolat chaud dans quelque café du boulevard ; ici, au contraire, les gens prennent leur temps sur une rangée de sièges où les places libres sont rares. Certains lisent un livre, les mains non gantées ; d'autres ferment les yeux pour mieux absorber la lumière, comme pour parfaire encore leur bronzage.

Voilà leur luxe : venir se réchauffer au soleil, par moins trois degrés en pleine journée, alors que partout ailleurs chacun ne parle que du froid.

Publié par thbz at février 07, 2012 | Commentaires (4)


février 06, 2012

06 février 2012 - Divers - (lien permanent)

La ville décentrée

Il s'agit d'une ville qui a perdu son centre. Je parle d'une ville générique, imaginaire, pas d'une ville particulière.

Les premiers furent les ateliers et les usines, qui fermèrent leurs hangars le long du canal pour rejoindre la zone industrielle. Les fumées et les bruits de marteaux ont alors disparu du paysage urbain ; ils ne reste d'eux que quelques bâtisses toujours vides auxquelles on ne prête plus attention.

Par la suite, les habitants de la grand'rue et des vieux immeubles de deux étages environnants sont partis les uns après les autres vers les maisons individuelles des lotissements de la périphérie. On construisait alors beaucoup, pourtant la population restait stable.

Puis quelques grands supermarchés se sont installés à l'entrée, c'est à dire aussi à la sortie, de la ville. À présent les commerces moyens, ceux qui vendent des vêtements ou des cycles, annoncent leur intention de quitter la place où se tenait autrefois un marché pour s'agrandir dans des locaux neufs à proximité des grands axes ou près de l'embranchement de la rocade. Car les voyageurs ne passent plus par le centre, autrefois célèbre pour ses embouteillages lors des départs en vacances.

Cette ville ne sera bientôt plus un organisme doté d'un cœur et d'un poumon pour insuffler la vie dans l'ensemble de l'agglomération, mais un réseau de fonctions complémentaires et de nœuds articulés. Aucun de ces nœuds ne possèdera le prestige du centre, car ils n'attireront les gens qu'à proportion de leur utilité en tant que lieu de travail, espace de shopping, machine à habiter.

La structure même de la ville se bouleverse sans qu'on s'en aperçoive véritablement. On ne va plus dans certaines ruelles dans lesquelles toute activité a disparu ; on oublie même qu'elles ont joué autrefois un rôle dans l'organisme urbain.

Les habitants viennent moins souvent au centre : pour des formalités administratives, pour se faire couper les cheveux, pour faire la fête une fois par an. Désormais, pour travailler, faire les courses ou dormir, ils circulent d'une périphérie à une autre.

Le centre demeure toutefois un lieu de promenade. Il conserve des boulangeries, une ou deux épiceries, quelques petits commerces, un marché. Le visiteur de passage ne se rend pas compte de cette évolution. Le centre devient même de plus en plus pittoresque et plaisant, à mesure que les maisons sont libérées de leur crépis pour révéler leur ancien appareil de briques et que les trottoirs sont élargis afin de supprimer tout partage de la chaussée entre les voitures et les piétons.

Les habitants de longue date, eux, perçoivent cet évidement du centre et le vivent avec fatalité.

Publié par thbz at février 06, 2012 | Commentaires (2)


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