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décembre 16, 2013
16 décembre 2013 - - (lien permanent)
Vendeurs de vapeur
De temps en temps, quelque chose change dans le paysage urbain. Par exemple l'arrivée du téléphone portable à la fin des années 90, qui a permis de voir, dans les rues des villes, le geste nouveau de la main qui se porte contre l'oreille tandis que le visage semble parler tout seul ; ou, au cours des années 2000, la multiplication des potelets et murets qui ont peu à peu compartimenté l'espace public.
Cette année, c'est les boutiques de vente de « cigarettes électroniques ».
Chaque fois qu'on en voit une, on se demande ce qu'il y avait avant au même emplacement ; le paysage urbain a peu de mémoire.
Ces boutiques apportent une nouveauté dans le paysage urbain parce qu'elles font des choix de présentation assez nouveaux en France : elles ont adopté l'organisation intérieure high tech et aseptisée des boutiques de téléphones portables, mais y ont ajouté, pour la nuit, un éclairage voyant.
De jour, elles attirent l'œil par des grands aplats de couleurs, des noms originaux, des mises en formes frappantes qui visent la plus grande lisibilité possible.
En tout cas, elles ne cherchent aucune intégration dans le paysage urbain environnant.
Il y a eu, un ou deux ans avant les boutiques de cigarettes électroniques, celles de vente d'or ; mais leur thème même impose une couleur jaune pour la façade, qui laisse peu de place à l'imagination.
Les bars-tabac, boutiques qui n'ont pas dû beaucoup changer depuis des décennies, seront-ils amenés à se moderniser pour soutenir la concurrence ?
Publié par thbz at décembre 16, 2013 | Commentaires (2)
décembre 11, 2013
11 décembre 2013 - Italie - (lien permanent)
Le paysage parfait
La Constitution italienne, dans son article 9, place au niveau des principes fondamentaux la protection des paysages, au même titre que celle du patrimoine :
Art. 9. La République favorise le développement de la culture et la recherche scientifique et technique.Elle protège le paysage et le patrimoine historique et artistique de la Nation.
La France, si soucieuse des perspectives, a fait des lois sur le paysage, comme elle en a fait sur la sécurité des piscines, mais ne l'a pas inscrit dans sa Constitution.
Les paysages d’Ombrie et de Toscane offrent au premier regard une impression d'évidence : la répartition des champs, la disposition des chemins, l'implantation des arbres et ses maisons paraissent parfaitement simples, la compréhension et l'appréciation esthétique des paysages ne demandent aucune réflexion. La complexité n'apparaît qu'avec un examen plus approfondi. Et seule la lecture d'ouvrages spécialisés apprendra que ces paysages sont le résultat de plus de deux mille ans de culture par l'homme, de nombreux siècles d'apprentissage des techniques et d'enrichissement des terres, de phases d'amélioration des pratiques alternant avec des périodes de décadence de l'agriculture.
Comme toute beauté, ces paysages sont une promesse de bonheur. Je paraphrase Stendhal. C’est la promesse d’un plaisir toujours renouvelé ; au-delà du prochain virage, peut-être, le paysage sera plus beau encore, plus satisfaisant. On continue donc à rouler sur un chemin poussiéreux, à marcher sur le bas-côté, le long des bois.
Jusqu'à ce qu'on trouve devant soi, au moment où ne s'y attend pas, sur une pente du Monte Pacciano, le paysage parfait.
Cette photographie est assez banale. En quoi ce paysage a-t-il paru, à ce moment-là, absolument sans défaut ? Le choix d’un autre point de vue, modifié par un recadrage, accompagné d’une légère rotation et d’un peu de retouche, permet, sinon de se rapprocher véritablement de la sensation d’un instant, au moins de se la remémorer.
La photographie ne peut servir que d'aide-mémoire : le paysage parfait n'est pas reproductible.
J’ai beau rassembler des images, esquisser une description — d’autres composeraient un tableau ou un poème —, aucune représentation ne peut exprimer cet effet que produit la survenance, ici et maintenant, là-bas à ce moment-là, sans intermédiaire entre l’image et l’esprit comme une musique qui saisit l’âme, du paysage parfait lors d'une randonnée.
Il y a près de dix ans déjà, alors que je cherchais un peu désemparé une station-service, j'avais vu le paysage parfait près de Pienza, elle-même ville idéale. J'y suis revenu l'an dernier. C'était cela :
Je n'ai pas retrouvé le paysage parfait. La ligne de la ville et celle des cyprès étaient toujours là, mais la saison, l'heure étaient différentes ; et, surtout, le paysage est d'abord dans l'œil de celui qui regarde, dans son cerveau qui le décompose et le reconstruit, dans son esprit toujours changeant. Un paysage peut être installé quelque part pour des siècles, rien n'est moins stable que la sensation qu'il éveille en nous, aussi imprévisible que les rêves. On ne peut pas voir deux fois le paysage parfait.
Publié par thbz at décembre 11, 2013 | Commentaires (2)