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février 26, 2008
26 février 2008 - Divers - (lien permanent)
'Old Men', Europeans seize Oscars
Admirable est la concision des titres d'articles dans les journaux anglophones. Cet art a été porté à son point le plus élevé par les chaînes télévisées d'information en continu : nulle part ailleurs que sur l'espace limité de l'écran on ne concentre autant de faits dans un aussi petit nombre de mots.
« 'Old men', Europeans seize Oscars »
Cette phrase resserrée, lue au bas de l'écran sur CNN lundi matin et reprise sur le site Web, m'a donné toutes les informations que je cherchais avec seulement cinq mots :
- No country for old men avait, la veille au soir, remporté l'Oscar du meilleur film ;
- les « Européens » en question ne pouvaient être les réalisateurs de ce film, qui sont Américains ; il devait s'agir des acteurs primés pour un premier rôle, donc de Daniel Day-Lewis et de Marion Cotillard ;
- peut-être même d'autres prix étaient-ils revenus à des Européens : on pouvait alors penser à Javier Bardem, grand favori pour l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.
Combien de mots pour exprimer la même chose en français ?
Il n'est pas dans la tradition journalistique française de déroger aux règles de la syntaxe en supprimant les mots à faible teneur en sens, même sur un espace limité par des contraintes techniques. Il faudrait donc, pour le moins, douze mots pour dire la même chose : « No country for old men et des Européens triomphent aux Oscars ». Onze mots contre cinq ; encore bénéficient-ils de la concision du titre original d'un film dont la traduction française (Non, ce n'est pas un pays pour le vieil homme) multiplie les mots faiblement significatifs.
Ces onze mots me paraissent pourtant trop chargés. Sans doute l'auteur du sous-titre choisirait-il de réduire la quantité d'information transmise par le message en ne mentionnant que la victoire du film : « Oscar du meilleur film pour No country for old men », ou celle des acteurs : « Marion Cotillard, Oscar de la meilleure actrice », « Les acteurs européens triomphent aux Oscars ».
Publié par thbz at février 26, 2008 | Commentaires (7)
février 12, 2008
12 février 2008 - Corée - (lien permanent)
Namdaemun, ou la technologie oubliée
Les Coréens sont des experts en construction. Ils ont couvert leur pays de barres et de tours. Ils construisent en ce moment à Dubai le plus grand immeuble de tous les temps (Burj Dubai, Samsung Engineering & Construction) :
L'incendie de la porte de Namdaemun, à Séoul, montre pourtant que le progrès ne va pas à sens unique. On acquiert des technologies, mais il arrive aussi qu'on en perde. D'après ce qu'on peut lire sur les sites d'information coréens (merci à ma traductrice), cette porte aurait brûlé parce qu'on ne savait plus vraiment comment elle était construite. Parce qu'on avait oublié comment il fallait lutter contre un incendie dans ce type d'architecture.
Explications.
D'abord, il y a deux cents ans des soldats auraient sûrement monté la garde devant cette porte d'entrée de Séoul. Ils n'auraient pas permis à M. Chae de venir allumer un feu sous la charpente du bâtiment. M. Chae, 69 ans, était très en colère contre l'État ; il lui reprochait de l'avoir spolié dans une affaire d'expropriation. Avant-hier soir, il n'a trouvé sur son chemin que des caméras de surveillance. M. Chae est aujourd'hui en prison : maigre consolation.
Ensuite et surtout, les pompiers, arrivés sur place six minutes après avoir été alertés, n'ont pas su ce qu'il fallait faire pour arrêter un incendie dans un bâtiment aussi étrange : pensez-donc, une charpente en bois ! On ne voit plus ça que dans les sites touristiques...
Ils ont commencé par arroser le bâtiment. Puis ils sont entrés et n'ont vu à l'intérieur qu'une fumée jaune, sans doute causée par l'arrosage. Le feu semblait maîtrisé.
Or, comme dans La Tour infernale, les flammes couvaient là où personne ne les attendait : entre le toit et une couche de terre installée entre deux couches de la charpente. Une vieille technique de construction qui servait à imperméabiliser les toitures. On ne fait plus comme cela, aujourd'hui.
Certains ont tout de même soupçonné qu'il se passait quelque chose dans cette partie du bâtiment. Ils ont recommandé de détruire une partie du toit afin d'accéder à cette zone, mais les autorités s'y sont paraît-il opposées afin de ne pas porter atteinte à ce trésor national. Ainsi, le feu que l'on croyait presque éteint a progressé sans qu'on s'en rende vraiment compte. Et lorsque les pompiers ont vraiment compris ce qui se passait,c'était trop tard.
Il y a deux cents ans, le trésor national n° 1 de la Corée n'aurait peut-être pas disparu en l'espace de six heures, devant trois cents pompiers impuissants.
Cela pourrait-il arriver en France ? Probablement. On s'est rendu compte il y a quelques années que de nombreux sites, à commencer par les réserves du Louvre, étaient en terrain inondable. Les techniques de construction évoluent, nul doute que nous avons, nous aussi, oublié certaines règles de base de l'architecture d'autrefois.
Le graphique suivant (vu sur le site Chosun.com) montre la structure interne du bâtiment et l'emplacement des flammes :
Publié par thbz at février 12, 2008 | Commentaires (2)
février 11, 2008
11 février 2008 - Corée - (lien permanent)
Namdaemun
La porte de Namdaemun à Séoul, c'est un peu comme l'Arc de Triomphe ou la Joconde à Paris. Dans la liste officielle des trésors nationaux de la Corée du Sud, Namdaemun porte le numéro un.
Portait le numéro un. On pouvait voir sur CNN, la nuit dernière, des images de la porte en feu. Cette magnifique structure en bois construite en 1398, l'un des plus beaux exemples d'architecture coréenne, n'existe plus ce matin.
Voici une photo que j'ai prise en septembre dernier :
Et voici, prise à peu près du même endroit, une vue postée ce matin sur Wikipédia (Namdaemun After Fire, domaine public, redécoupée par moi) :
Namdaemun, « porte du sud », borde le centre historique de Séoul. A l'opposé, au nord, se trouve le palais royal. On vient à Namdaemun pour faire ses courses dans un marché vaste comme un quartier parisien, où on trouve tout pour pas cher. C'était l'un des rares bâtiments en bois qui aient traversé les siècles, survivant aux guerres et évitant les incendies depuis le Moyen-Âge : sa destruction est une véritable catastrophe culturelle.
Depuis deux ans seulement il était accessible au public : auparavant, il était encerclé par l'un des ronds-points les plus importants de Séoul.
La suite sur : Namdaemun, ou la technologie oubliée.
Publié par thbz at février 11, 2008 | Commentaires (5)
février 06, 2008
06 février 2008 - Arts, architecture... - (lien permanent)
White Squad
Devant un tableau, surtout s'il a été réalisé après la fin de l'hégémonie de la peinture figurative dans la peinture occidentale, j'ai souvent la sensation qu'il faut se placer à un endroit précis pour l'apprécier, comme un taureau qui trouve son sitio dans l'arène. Face à ce tableau du centre Pompidou qui m'a arrêté dans mon avancée le long de la grande galerie, j'ai trouvé mon sitio quelques mètres en arrière, un peu sur la droite :
Bien sûr on peut avoir une autre opinion. Certains préféreront un point de vue à gauche du tableau. Ils trouveront que c'est sous cet angle que la composition, nette, brutale même, met le mieux en évidence une diagonale de la domination entre l'Oppresseur et la Victime, avec une puissance et une généralité qui dépassent tout cas particulier :
Les détails n'ont pas d'autonomie dans ce tableau, tout est dans la composition d'ensemble. Alors que l'œil peut se promener et isoler certaines saynètes sur un tableau de Basquiat plus ludique qui est accroché sur le mur d'en face, ici chaque élément ne prend de sens que par son insertion dans la scène d'ensemble. Ainsi les blocs rouges, qui sont comme des emblèmes de la souffrance, perdent leur valeur si on ne regarde qu'eux :
Ou peut-être vaudrait-il mieux, comme dans tous les livres d'art, se contenter d'une représentation « objective » du tableau. On montrerait le tableau de face en retirant toute trace de l'environnement concret dans lequel il est exposé. Après tout, le lecteur du blog peut bien se placer comme il le veut face à son écran, comme le visiteur dans le musée.
Ce tableau est intitulé White Squad XI. Il a été peint en 1987 par Leon Golub (1922-2004). Un coup d'œil sur le Web indique qu'il s'agit d'un peintre américain et que dans toute son œuvre il montre et dénonce, avec la même force, l'usage de la violence comme mode d'exercice du pouvoir.
Publié par thbz at février 06, 2008 | Commentaires (3)