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avril 22, 2008

22 avril 2008 - Arts, architecture... - (lien permanent)

Extreme tension

Louise Bourgeois a été célèbre après l'âge de 60 ans, mais c'est presque centenaire qu'elle devient vraiment connue dans son pays de naissance, au-delà de quelques araignées géantes. Le centre Pompidou lui consacre une rétrospective majeure. L'une des œuvres les plus fortes s'intitule Extreme tension ; elle est datée de 2007.

On peut aller d'abord à la galerie d'arts graphiques du musée ; puis on monte au sixième étage pour côtoyer les sculptures si la file d'attente n'est pas trop longue, et on redescend ensuite à la galerie. C'est là que se trouve Extreme tension, composé de onze grandes feuilles de papier qui occupent toute une pièce, comme les Nymphéas à l'Orangerie. Louise Bourgeois y décrit un corps, celui d'une femme de 96 ans mais aussi celui de tout le monde ; elle dessine ses douleurs et ses angoisses, mais ce sont aussi les nôtres.

On lit Extreme tension autant qu'on le regarde. Il y a une progression, un élan, une chute qu'il faut suivre jusqu'au bout. Chaque panneau est divisé en zones verticales qui comportent soit un dessin, soit des inscriptions manuscrites. Le premier, comme une couverture de livre, expose le nom de l'œuvre. (La charte graphique, que j'ai imposée à ce blog, m'impose elle-même une limite de 500 pixels en largeur ; je ne peux les remplir qu'avec des mots et du code HTML car le dessin ne fait pas partie de mes outils.)

1.



EXTREME


TENSION



(Dans chacune des parties gauche et droite, deux longs bras rouges verticaux ; l'annulaire de la main gauche porte une alliance.)

2.


My scalp


FOReHead

ears



The BAse



of the sKull


3.

BACK of

the neck

The back between

the 

shoulder blades

The base of the 


ribs


SOLAR Plexus

(à gauche, au milieu, à droite : des formes rouges et grises en ascension, comme des petits organismes vus au microscope)

4.


The stomach 


The esophagus


The throat

(à droite, un cœur énorme, rouge, écartelé par les veines et les artères, qui s'accrochent à lui comme par des pinces)

5.



THE INTESTInes



The rectum



(entre deux parenthèses grises, une cavité rouge en forme d'amande, interrompue par la partie du milieu)

6.


THE Legs

THIGHS

ANKLES

TOES


THE pelvis


bones


The joints

(au milieu : un labyrinthe d'organes internes)

7.


The ARMS

FORearms

HANDS 

FINGERS

(à gauche : deux mains rouges similaires à celles de la première planche, mais elles montent moins haut et les doigts ont laissé des traînées rougeâtres)

8.



THE PAINS



AND CRAMPS


(au milieu : de longs traits gris sur toute la hauteur ; à droite : des formes organiques analogues à celles de la troisième planche, rouges et grises)

9.


The breathing


The palpitations


THE HOT FLASHES

(à gauche et à droite : deux schémas du système respiratoire et digestif interne, l'un gris et l'autre rouge)

10.


THE Perspiration


extreme


extreme tension

(à droite : des organes intérieurs, grisâtres)

11.

The 

Smell

of the

HUNted

animal

(à gauche et à droite : de longs traits sur toute la hauteur, d'un côté rouges, de l'autre gris sur fond blanc)

Il faut aussi imaginer : les variations de l'écriture manuscrite, ici réduite à du Courier New centré ; la répartition des mots sur les feuilles, comme dans le Coup de Dé de Mallarmé ; la sobriété des dessins, dont le motif n'est pas toujours identifiable ; la dimension des panneaux, de deux mètres de côté environ ; la lente marche du spectateur qui suit cette histoire et parvient au dernier panneau ; les autres dessins, objets, montages présentés dans la galerie d'art graphique ; les grandes sculptures exposées deux étages plus haut ; l'univers immense et cohérent de Louise Bourgeois, dans un parcours qui depuis les années 1930 mène peu à peu jusqu'à ce choc.

Publié par thbz at avril 22, 2008 | Commentaires (4)


22 avril 2008 - Divers - (lien permanent)

Six choses inutiles

S. me propose d'entrer dans cette chaîne qui consiste à dire « six choses inutiles sur soi-même ». Pas de doute, me voici donc intégré dans la blogosphère. Je suis relié, par un nombre inconnu de degrés de séparation, à tel ou tel blog connu ou inconnu qui a déjà ajouté un anneau à cette chaîne.

Tiens, par exemple :

1) je porte aujourd'hui une chemise bleue ;

Et ensuite ?... ceci :

2) je l'ai repassée ce matin avant de sortir ;

Ça y est, je crois que j'ai trouvé le rythme :

3) je ne me souviens plus quelle chemise je portais hier ;

4) demain, il se pourrait bien que je porte une chemise marron ;

5) mais il faudrait pour cela que je la repasse ce soir ;

Et pour finir :

6) après réflexion, je crois bien que je portais une chemise marron hier, mais pas la même que celle que je compte porter demain.

Six choses inutiles : le compte y est.

Il y a quelques années, à l'époque où tout le monde n'avait pas encore de blog, je lisais parfois un blog à succès qui n'était composé que de propos inutiles tirés de la vie quotidienne (ou de l'imagination) de l'auteur. Impossible de le retrouver : c'était en anglais et une recherche sur « blog useless things » donne beaucoup trop de résultats dans Google...

Le chef d'œuvre du genre est peut-être le livre d'Édouard Levé, Autoportrait (P.O.L., 2005) : 125 pages de phrases banales sur lui-même, sans continuité apparente. Il commence comme ceci :

Adolescent, je croyais que La Vie mode d'emploi m'aiderait à vivre, et Suicide mode d'emploi à mourir. J'ai passé trois ans et trois mois à l'étranger. Je préfère regarder sur ma gauche. Un de mes amis jouit dans la trahison. La fin d'un voyage me laisse le même goût triste que la fin d'un roman. J'oublie ce qui me déplaît. J'ai peut-être parlé sans le savoir avec quelqu'un qui a tué quelqu'un. Je vais regarder dans les impasses. Ce qu'il y a au bout de la vie ne me fait pas peur. Je n'écoute pas vraiment ce qu'on me dit. Je m'étonne qu'on me donne un surnom alors qu'on me connaît à peine...

(Édouard Levé s'est suicidé le 15 octobre 2007, trois jours après envoyé à son éditeur un manuscrit intitulé Suicide.)

Le principe de cette chaîne est que la personne appelée doit en inviter à son tour six autres. Comme il est temps que cette chaîne s'étende au-delà de la blogosphère, j'appelle six personnalités qui ont fait un art, ou en tout cas leur activité, de l'inutile et de l'intime — le leur, celui des autres ou celui des choses qui nous entourent :

  • Édouard Levé (Autoportrait)
  • Georges Perec (Je me souviens)
  • Georges Perec (Tentative d'épuisement d'un lieu parisien)
  • Sei Shonagon (Notes de chevet)
  • Mireille Dumas (Bas les masques)
  • Sophie Calle (prix spécial)

Publié par thbz at avril 22, 2008 | Commentaires (2)


avril 15, 2008

15 avril 2008 - Paris - (lien permanent)

Un drapeau sur Saint-Sulpice

Depuis plus d'une semaine un drapeau flotte sur l'église Saint-Sulpice :

S'il veut bien s'arrêter de bouger un instant, je vais tenter un zoom pour vous montrer de quoi il s'agit :

C'est un drapeau tibétain.

On peut l'apercevoir depuis le coin de la rue Garancière et de la rue Palatine. Une recherche rapide montre qu'il y a quelques années déjà un militant pro-tibétain avait accroché un drapeau identique au même endroit. Le lieu semble être très difficile d'accès ; il avait fallu faire appel aux pompiers pour le décrocher.

Tiens, autre chose au sujet des tours de Saint-Sulpice...

EDIT : le drapeau réparé et réhaussé quelques jours après :

Et pour avoir une idée de ce que c'est que de se promener là-haut (non, M. KA, je ne suis pour rien dans cette vidéo !) :

Publié par thbz at avril 15, 2008 | Commentaires (6)


avril 09, 2008

09 avril 2008 - Arts, architecture... - Asie - (lien permanent)

Le ballet royal du Cambodge

« La danse classique cambodgienne est trop originale pour se confondre avec une autre. Elle ne tend pas, comme le ballet classique occidental, à affranchir le danseur des lois de la pesanteur. Elle ne cultive pas l'ésotérisme des danses indiennes. Elle ne résonne pas du bruit et de la fureur des danses javanaises... » (livret de présentation du spectacle)

Le ballet royal du Cambodge, qui déjà en 1906 passionnait les Parisiens et bouleversait Auguste Rodin, se produisait ces jours-ci à la salle Pleyel. Une vingtaine de danseuses, accompagnées de chanteurs et de musiciens traditionnels, racontaient avec grâce et splendeur la fondation légendaire du royaume ; c'est un art du Cambodge d'avant, reconstruit après, par les survivants qui en ont transmis la mémoire.


Image provenant de L'Éléphant blanc

Le trait dominant de cette danse est la modération. Les danseuses, qui jouent également les rôles masculins, ne se pressent jamais ; elles ne s'arrêtent jamais non plus. Les corps bougent en permanence avec un calme qui relève plutôt de la maîtrise que de la lenteur. Ce goût de la mesure se traduit par la figure du pli : chacune des parties du corps, doigts, mains, avant-bras, biceps, cuisses, jambes, pieds, forme un angle avec celle qui suit. Les positions évoluent : les bras se déploient un peu mais sont rarement tendus ; ils se replient également, sans que le coude ne se referme complètement.

Les danseuses ne se peignent pas les doigts comme en Inde ; les mouvements des mains sont pourtant au cœur de cette danse. Ce ne sont pas les pieds qui dirigent les mouvements comme chez les petits rats en tutus, mais les doigts qui entraînent les mains, les bras, le corps entier. Autour du tronc qui frémit à peine, le corps prend la forme d'un réseau végétal qui se déploie dans l'espace avec la douceur d'une plante, non avec la vigueur d'un animal. Les mouvements d'ensemble, dans lesquels les danseurs sont groupés autour de la figure centrale du héros ou de la princesse, sont aussi hiérarchisés que les branches d'un arbre : chacun occupe sa place et joue le rôle qui lui a été désigné.

L'orchestre accompagne les gestes des danseuses du rythme de ses percussions. Les chanteurs donnent une voix à des personnages, princes, princesses, dieux bienveillants auxquels les danseuses apportent leur présence physique. Les scènes d'ensemble assemblent avec une beauté sans pareille les costumes ajustés au plus près des corps, dont les bijoux et les brillants illuminent la scène, la parfaite entente des danseurs et de la musique, le son d'un hautbois dont le pouvoir de fascination de la musique cambodgienne, comme dans la musique de Coltrane, s'installe dans la durée.

Ces danseuses racontent, avec des poses qui rappellent les sculptures d'Angkor, comment un prince chassé par son père a rencontré une princesse sur une montagne au milieu de la mer, comment il l'a épousée, comment le roi son beau-père a aspiré la mer afin de lui créer un royaume : cette danse est un moyen d'expression. C'est aussi un moyen d'impressions...

Publié par thbz at avril 09, 2008 | Commentaires (2)


avril 01, 2008

01 avril 2008 - Arts, architecture... - (lien permanent)

Mésentente architecturale

Vue sur le blog couleuraddict.com, la photo d'une maison dont la façade est sans doute partagée entre deux propriétaires aux goûts discordants :

... me rappelle une vision similaire à Bucarest :

et aussi, par association d'idées, une collision architecturale, toujours à Bucarest (photo garantie sans trucage) :

... et une autre à Paris, que j'ai déjà évoquée :


Publié par thbz at avril 01, 2008 | Commentaires (0)


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