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août 22, 2007

22 août 2007 - Arts, architecture... - Europe - (lien permanent)

Les façades de Gand

À Gand sur le pont Saint-Michel, on pense d'abord à la peinture flamande.

Puis on se rapproche des maisons, on marche dans les rues et on comprend peu à peu ce qui, dans l'atmosphère de la ville, excite particulièrement notre attention. Cela dépend du promeneur. Les reflets dans le canal ? Les bas-reliefs au-dessus des fenêtres ? Les boutiques branchées, plutôt de qualité ? Pour moi, c'est le paysage des façades.

Celle-ci, par exemple, qui satisfait profondément l'œil du passant par l'harmonie de ses proportions, résultat d'une géométrie raffinée.

Les maisons, plantées les unes à côté des autres, jamais en avant, jamais en retrait, semblent regarder le spectacle de la rue à travers leurs fenêtres, comme des vaches dans un pré le long d'une voie ferrée (comme des Parisiens à une terrasse de café sur le boulevard du Montparnasse).

La toiture reste invisible, masquée par le pignon triangulaire, et la porte d'entrée ne permet pas d'apercevoir une éventuelle cour intérieure : la façade refuse au promeneur toute possibilité d'imaginer l'immeuble dans sa profondeur.

Les maisons se distinguent par leur couleur, leurs matériaux, leur ornementation et surtout par la pointe du pignon qui identifie chaque bâtiment et le sépare de son voisin. Dans le Paris haussmannien, à l'inverse, l'horizontale des balcons et des gouttières se prolonge d'un immeuble à l'autre comme pour les fondre dans un vaste palais de pierre qui couvre toute l'avenue, seulement interrompu par les rues adjacentes.

Approchons encore un peu. À Gand, joyau du Nord et de la Flandre en particulier, les façades déploient le même motif dans les styles les plus divers. Quel motif ? Quels styles ?

Le motif de base, c'est un rétrécissement progressif de la façade.

Du rez-de-chaussée qui englobe l'entresol jusqu'au dernier étage carré, la hauteur sous plafond diminue à chaque niveau, le quadrillage des fenêtres se simplifie, les ornements se raréfient. Puis sur le pignon, au niveau des combles, les lignes horizontales se rapprochent de plus en plus, créant l'illusion de quatre ou cinq étages supplémentaires là où il y en a à peine deux. Et à chacun de ces étages simulés, de palier en palier, la largeur du bâtiment se réduit jusqu'à l'angle aigu du sommet où la maison s'évanouit comme dans un point de fuite.

Les styles, eux, vont du baroque surchargé au dépouillement moderne.

Quelle est l'origine de ces façades ? Ces rideaux de théâtre servent-ils à montrer la puissance ou, en ces territoires commerçants, la richesse des habitants ? Chaque maison essaie-t-elle d'affronter sa voisine sur le terrain de l'architecture ? Peut-être des règlements d'urbanisme ont-ils imposé le placement du pignon sur la rue (alors qu'à Paris c'est le toit qui surplombe la chaussée). Que le pignon soit décoré selon les goûts et les possibilités du propriétaire, soit, mais pourquoi l'encadrer de ces étranges marches d'escalier ?

On m'explique (ici) que cet « escalier » empêchait les chaumes de tomber du toit. Je lis ailleurs () une description bien intéressante des fermes flamandes, dans lesquelles le pignon, orienté à l'ouest, reste presque aveugle afin de protéger la maison des intempéries. Les riches bourgeois auraient-ils imité et détourné l'architecture des campagnes en faisant du pignon la vitrine de leur maison ?

Ces questions ne trouveront pas ici de réponse. Sauf, peut-être, dans les commentaires des visiteurs.

Épilogue : une déclinaison moderne et toute en courbes du pignon triangulaire, en plein centre historique...


Publié par thbz (août 22, 2007) | Commentaires (13)


août 11, 2007

11 août 2007 - Paris - (lien permanent)

Ils n'entreront pas dans Paris

Sous le pont National, c'est à dire à l'endroit où la Seine entre dans Paris, un héroïque filtre flotte à la surface de l'eau et retient bouteilles en plastique, canettes, emballages et autres déchets.

Sans lui, les très romantiques quais de Paris seraient ornés de ceci :

Remercions donc le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, qui se salit les mains à notre place !

Afin de relever un peu le niveau de cet article si c'est encore possible, je vous propose un complément historique et culturel. À un jet de canette du pont National, on peut voir (mais on n'est vraiment pas obligé) un mur discret qui dort au milieu de l'échangeur de Bercy. L'échangeur de Bercy, endroit terrifiant s'il en est.

Connu sous le nom de « bastion n° 1 », ce tas de pierres n'est rien moins que l'un des vestiges de l'enceinte de Thiers. On peut trouver (mais, là encore, ce n'est pas obligatoire) quelques autres restes de cette enceinte à Paris : par exemple la poterne des Peupliers qui a plus fière allure. L'enceinte de Thiers, c'était une muraille de 35 kilomètres assortie d'une ribambelle de forts militaires en proche banlieue. Ce magnifique ouvrage d'ingénierie n'a servi à rien en 1870 et en 1914. Comme on n'apprend qu'en faisant des erreurs, et qu'il faut donc se tromper beaucoup pour apprendre énormément, on avait à peine détruit l'enceinte de Thiers que certains ont eu l'idée d'en faire une autre à la frontière nord-est : la ligne Maginot.

Voilà, cela méritait d'être raconté, des centaines de milliers d'automobilistes passent à la porte de Bercy sans penser à ces choses-là. En ce qui concerne les fortifs' (mais pas la ligne Maginot et encore moins les bouteilles en plastique), Jean-Louis Cohen raconte tout cela très bien.


Publié par thbz (août 11, 2007) | Commentaires (9)


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