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août 30, 2004
30 août 2004 - Divers - (lien permanent)
La Presse de Tunisie
Il faut lire un quotidien tunisien qui s'appelle La Presse de Tunisie. C'est très exotique.
J'ai cinq numéros entre les mains. Ils sont tous faits sur le même modèle. Sur la première page, en haut à gauche, un article annonce les dernières initiatives prises par le Chef de l'État. L'article cite toujours son nom en entier : le Président Zine El Abidine Ben Ali, ce qui fait plus d'effet que "Ben Ali" tout court.
Chacun des articles est accompagné d'une photo du Président : dans son bureau, dans une réunion, toujours en plein travail. Dans quatre des cinq numéros, il s'agit de mesures que le Président a prises ou qu'il annonce. Dans le cinquième, l'article titre sur une Grande marche populaire de gratitude au Président Ben Ali, car son action favorise le développement d'une région tunisienne :
Les participants ont porté à cette occasion des banderoles exprimant leurs sentiments de considération au Président Zine El Abidine Ben Ali ainsi que leur attachement à sa politique clairvoyante et à ses choix judicieux.
En dessous, l'éditorial reprend et commente l'action en question sous un titre toujours positif : Le primat du social, Une dynamique de progrès, Santé : conforter les acquis. Le texte de l'éditorial explique de manière très pédagogique l'utilité des mesures et insiste sur l'engagement personnel du Président. Ainsi peut-on lire les expressions suivantes dans un seul éditorial intitulé Justice sociale :
L'attachement du Chef de l'État à garantir... sous l'impulsion personnelle du Président Ben Ali... La grande réforme de l'assurance-maladie, dont la loi vient d'être promulguée par le Chef de l'État... [le salaire minimum et diverses pensions] ont, une nouvelle fois, été revalorisés par les soins du Président de la République... Fonction [celle d'arbitrage des litiges sociaux par un juge] que le Président Ben Ali a recommandé de mieux faire connaître...
Plus amusant, dans la plupart des numéros l'éditorial souligne sur le rôle de modèle que joue la Tunisie dans le domaine auquel se rapporte les mesures prises par le Président. On apprend ainsi que la réforme mentionnée précédemment va doter la Tunisie d'un système digne des pays les plus développés. Surtout, la politique des prix fait l'admiration de tous les observateurs de par le monde. Dans un autre numéro, l'éditorial soulignait le rôle important joué par la Tunisie dans les relations diplomatiques internationales.
Tout ceci surprend le lecteur européen pour deux raisons : parce qu'il n'est pas habitué à une telle flagornerie dans ses journaux nationaux et parce qu'il n'est pas du tout sensible à un éventuel prestige international de la Tunisie : la Tunisie, pour un Européen, c'est une plage avec des hôtels et un peu de désert derrière.
Publié par thbz (août 30, 2004) | Commentaires (3)
août 19, 2004
19 août 2004 - Citations - (lien permanent)
Poétique du Code civil
Il y a plusieurs manières de lire les textes de lois. La première, sans doute la plus courante, est celle des étudiants en droit : en baillant. La seconde est celle des juristes : en les comprenant. La troisième, celle de l'ignare, consiste à les apprécier sur un plan purement esthétique.
Stendhal appréciait au plus haut point le Code civil, chef d'oeuvre de Bonaparte. Révolutions, guerres, alternances politiques : tandis que la France faisait cocu chacun des régimes politiques à qui elle avait promis une fidélité éternelle, jamais elle n'a trompé son Code civil. Depuis deux cents ans cette Torah républicaine fixe l'âge des personnes que nous épousons, leur sexe et l'amende que doit payer le maire qui nous marie alors qu'une autre personne a fait opposition (4,5 euros, article 68).
Disons-le tout de suite, le Code civil est un livre un peu ennuyeux si on le lit de bout en bout. On peut essayer de l'aborder dans la transcription en alexandrins de Decomberousse. Une autre manière d'arriver rapidement à la fin est de commencer par le dernier article. C'est ce que je proposerai ici. Ça tombe bien, l'article 2283 est l'un des plus beaux de tout le Code civil :
Art. 2283 : Les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le Code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement.
Lorsque le sens d'une phrase est clair, l'esprit du lecteur oublie la forme des lettres et ne retient que les idées exprimées. Ici, le lecteur normal n'y comprend absolument rien. Il n'interprète pas du tout la phrase, il voit seulement ce à quoi se ramène un texte auquel on a ôté toute signification : une succession de lettres et de sons. C'est alors qu'il est sensible à cette phrase qui débute sur une belle allitération en s : "Les actions possessoires". La dernière syllabe, ouverte, place la phrase dans une position en suspens renouvelée par la séquence suivante : "sont ouvertes", sur laquelle la consonne s abandonne sa prédominance aux consonnes dentales.
À cette mise en train succède une longue période qui forme le coeur de l'article : "dans les conditions prévues par le Code de procédure civile". Le lecteur a un peu de mal à arriver jusqu'au bout car il n'a pas pensé à respirer au cours des deux sections précédentes. Heureusement, il peut reprendre son souffle à la fin de l'article : "à ceux qui possèdent... ou détiennent... paisiblement".
Les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le Code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement.
Les sonorités sont riches et le rythme est sophistiqué. Les significations elles-mêmes sont vagues ou absurdes. Le lecteur ne comprend pas le sens général de la phrase, mais il reconnaît les mots pris séparément. Il parvient au moins à les rattacher à des racines connues : l'adjectif "possessoire" doit bien se rapporter à la possession.
Quant aux "actions", on a beau leur connaître plusieurs significations différentes dans le langage commun, on ne voit pas bien en quoi une "activité humaine" ou un "titre boursier" pourrait "posséder" ou "viser à posséder" (possessoire ?) quoi que ce soit : l'association de l'action à la possession semble relever de la recherche d'une sonorité intéressante plus que de la volonté de transmettre un sens.
Mieux encore, on apprend que ces actions sont "ouvertes", comme des huîtres : cette fois-ci, le législateur a utilisé la technique de l'écriture automatique.
La belle cadence rythmique finale met en relief le dernier mot du Code Civil : "paisiblement", avec d'autant plus d'efficacité que cet article n'est suivi d'aucune note de jurisprudence dans mon édition. Qui croira que c'est par hasard qu'un mot aussi léger et bienveillant conclut le texte qui sert de bréviaire à l'institution judiciaire ? Ne s'agit-il pas d'une malice des docteurs en droit qui ont rédigé le Code civil ? Pendant de longs mois ils ont travaillé sous la surveillance permanente de Bonaparte ; ils ont enfin terminé, ils veulent se faire un plaisir en concluant sur une note positive ; ils peuvent bien se le permettre. Ou bien, en philosophes, ils veulent indiquer à l'initié que la vocation profonde du droit, ce n'est pas de pousser les hommes à s'affronter dans des procès, mais de définir un cadre dans lequel ils pourront résoudre leurs conflits en douceur, sans recourir à la guerre.
En réalité, cet article n'est pas si ancien que cela. Ce n'est qu'en 1975 qu'une loi (numéro 75-596 du 9 juillet 1975, art. 5-II, je le précise pour montrer que je ne dis pas n'importe quoi) est venue rajouter cet article au bout du Code civil. Et le mot "paisiblement" n'occupe déjà plus la dernière place dans le Code civil. Une autre loi (en réalité l'ordonnance numéro 2002-1476 du 19 décembre 2002, art. 1er et 10-1, applicable depuis le 1er juin 2004, vous pouvez vérifier, je ne plaisante pas avec les faits) a greffé une vingtaine d'articles pompeusement rassemblés dans un "Livre Quatrième : dispositions applicables à Mayotte". Le contenu de ces articles est manifestement fantaisiste. Par exemple, comment prendre au sérieux le jeu de chiffres du nouvel article 2299 ?
Art. 2299 : Pour l'application à Mayotte du premier alinéa de l'article 832-4, les mots : "832, 832-1, 832-2 et 832-3" sont remplacés par les mots : "832, 832-1 et 832-2". Pour l'application du deuxième alinéa de cet article, les mots : "832, 832-2 et 832-3" sont remplacés par les mots : "832 et 832-2".
Heureusement, le nouveau dernier article, qui porte le numéro 2302 parce que les législateurs voulaient franchir la barre psychologique des 2300, ce nouveau dernier article sauvegarde la poésie du Code civil. Il commence pourtant mal : sur quatre ou cinq lignes indigestes, il nous explique que telle ou telle disposition de certains titres d'un livre quelconque s'applique, ou pas, à Mayotte selon le bon vouloir d'un décret modifié par un autre décret. On est récompensé lorsqu'on apprend ensuite que ces décrets portent sur la propriété foncière et sur la "suppression de la conservation des hypothèques de Dzaoudzi".
Dzaoudzi, Dzaoudzi... Je m'étais toujours demandé à quoi pouvait bien servir Mayotte, voici enfin la réponse : Mayotte est une île des mers du Sud grâce à laquelle le Code civil du XXIème siècle peut s'achever sur un nom de conte arabe.
Publié par thbz (août 19, 2004) | Commentaires (2)
août 10, 2004
10 août 2004 - Paris - (lien permanent)
Comment déterminer dans quel arrondissement on se trouve
C'est très facile. Il suffit de repérer le lampadaire le plus proche. La plupart du temps il est accroché à un mur. Ensuite on suit le parcours des fils qui l'alimentent jusqu'à la boîte qui contient le compteur électrique. Cette boîte est souvent de couleur blanche ; dans le cas d'un lampadaire sur pied, elle peut prendre sa couleur noire. Sur le capot, un numéro en chiffres romains donne l'arrondissement, suivi d'un autre numéro qui permet d'identifier le lampadaire. Ainsi sur le quai de la Marne, dans le XIXème arrondissement :
Publié par thbz (août 10, 2004) | Commentaires (3)
10 août 2004 - Paris - (lien permanent)
Toutes les rues de Paris sont en pente
A Paris, aucune rue n'est plate. Lorsque le sol naturel ne présente aucune déclivité, les ingénieurs introduisent une pente artificielle dans la chaussée. Cette pente, inférieure à 1 %, est invisible à l'oeil nu. Elle est pourtant absolument indispensable : elle permet d'assurer l'écoulement des eaux. Cette pente change de sens à intervalle régulier, afin de ne pas introduire un décalage croissant entre le niveau de la chaussée et celui du trottoir. Une rue apparemment plate a donc, en réalité, un profil en dents de scie.
Comment savoir dans quel sens penche la rue à un endroit donné ? Il suffit de repérer les bouches d'égoût et les bouches de lavage.
Tout le monde ne sait pas ce qu'est une bouche de lavage. Il s'agit d'une petite plaque percée de deux trous, apposée sur le rebord du trottoir ou parfois au fond du caniveau lui-même lorsque le trottoir est trop bas. De temps en temps un torrent d'eau jaillit de cette plaque et se répand de part et d'autre (ici sur la rue de Vaugirard, dans le 6ème arrondissement) :
On pourrait croire qu'il s'agit d'une bouche d'égoût qui déborde. En fait c'est un mécanisme actionné par les services de nettoyage. Elle est raccordée au réseau d'eau non-potable de la ville de Paris, distinct du réseau d'eau potable. Comme elle est située au point haut de la chaussée, l'eau qu'elle déverse entraîne sur son passage les feuilles et les impuretés jusqu'à la bouche d'égoût la plus proche, qui se trouve elle au point bas de la chaussée (toujours sur la rue de Vaugirard, à quelques pas de l'image ci-dessus) :
L'eau de lavage rejoint les eaux de pluie et les eaux usées dans les égoûts, car il n'y a qu'un seul système d'évacuation à Paris.
La règle est donc simple : même lorsqu'on ne le voit pas à l'oeil nu, la chaussée monte vers les bouches de lavage et descend vers les bouches d'égoût.
Publié par thbz (août 10, 2004) | Commentaires (19)
août 08, 2004
08 août 2004 - Paris - (lien permanent)
Comprendre le réseau des rues de Paris
Chaotique à première vue si on le compare au quadrillage numéroté de New York, le tracé des rues de Paris peut en fait s'analyser comme la superposition de deux réseaux.
C'est d'abord le réseau des saints (en noir sur le schéma ci-dessous). Saint-Honoré, Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Antoine, Saint-Jacques : toutes ces rues, auxquelles il faut ajouter la rue Montmartre et la rue du Temple, partent d'une même zone centrale qui englobe le Châtelet, l'île de la Cité et le quartier Saint-Michel. Pour simplifier, considérons que ce réseau rayonne depuis la plaque apposée sur le parvis de Notre-Dame, qui marque le kilomètre zéro des routes de France.
Certains des axes de ce réseau des saints existaient avant l'arrivée des Romains. Ils ont choisi pour voie principale (cardo) de leur ville les rues Saint-Martin et Saint-Jacques ; cela explique leur tracé parfaitement rectiligne, très rare pour des voies aussi anciennes. Le réseau en rayons s'est organisé sous sa forme actuelle au Moyen-Age, du XIème au XIIIème siècles. Il a réglé les principaux déplacements dans Paris jusqu'au XIXème siècle.
A partir de Louis XIV, un réseau concentrique (en rouge) se superpose au réseau des saints. Cette fois-ci, il ne s'agit plus de faciliter l'accès au centre de Paris, qui ne représente plus qu'une petite partie de la ville. Il faut plutôt permettre les déplacements d'un quartier à l'autre.
Ce second réseau est donc composé non pas de rayons, mais de cercles concentriques. Chaque siècle, le XVIIème, le XVIIIème et le XIXème, va construire le sien.
Le premier cercle est celui que Louis XIV aménage sur l'emplacement des fortifications de Charles IX. Ce sont les Grands Boulevards sur la rive droite : ils partent de la place de la Madeleine, longent l'Opéra puis rejoignent la place de la République et le bassin de l'Arsenal. Chacun des saints du premier réseau se transforme en faubourg lorsqu'il traverse cette couronne : la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Denis, la rue Saint-Martin deviennent rue du Faubourg Saint-Honoré, rue du Faubourg Saint-Denis, rue du Faubourg Saint-Martin.
La seconde couronne suit l'enceinte des Fermiers Généraux. Au XVIIIème siècle, cette enceinte ne servait pas à défendre les Parisiens, mais au contraire à leur imposer le paiement de taxes sur les marchandises, d'où leur mécontentement : "le mur murant Paris rend Paris murmurant". Depuis la place de l'Etoile, ce cercle incomplet va passer à Pigalle, à Belleville et à la place de la Nation. Sur la rive gauche, il relie la place d'Italie à Montparnasse.
La troisième couronne est celle de la Petite Ceinture, qui se dédouble dans le boulevard périphérique. Elle remplace l'enceinte de Thiers, construite et abandonnée au XIXème siècle.
Et Haussman, dans tout ça ? Le préfet Haussman a créé et détruit tellement de rues que, chaque fois que vous vous promenez dans Paris, c'est un peu Haussman qui dirige vos pas. Il n'a pourtant pas modifié la structure même du réseau des rues. Il a juste rajouté des axes radiaux tels que le boulevard de Sébastopol, le boulevard Saint-Michel ou l'avenue de l'Opéra, et il a complété les cercles concentriques en fermant celui de Louis XIV par le boulevard Saint-Germain.
Ces réseaux ne sont pas clos. Il s'étendent aujourd'hui au-delà de Paris. La Francilienne englobe la banlieue dans une sorte de quatrième couronne. Les routes nationales et les autoroutes rayonnent de Paris jusqu'aux frontières, reprenant à l'échelle du pays le réseau des saints. La toile d'araignée des rues de Paris est devenue le modèle des routes de France.
Publié par thbz (août 08, 2004) | Commentaires (5)
août 06, 2004
06 août 2004 - Paris - (lien permanent)
Détails de la rue Férou
La rue Férou est une petite voie du 6ème arrondissement qui relie la place Saint-Sulpice au jardin du Luxembourg. Elle a été ouverte en 1517 ; on devine son ancienneté à son tracé pas tout à fait droit. Certains des immeubles qui la bordent ont une façade légèrement bombée, un ventre caractéristique de la première moitié du 17ème siècle. On est donc dans le vieux Paris. Le quartier est bourgeois, le sol est pavé de granit et des piquets empêchent les voitures de stationner. C'est l'arrondissement le plus cher de Paris et l'un des plus à la mode. Les prix de l'immobilier atteignent des sommets. Sur les entrées de maison, on voit très peu de noms. Hemingway et Man Ray ont habité rue Férou. Aujourd'hui on doit bien y trouver une ou deux vedettes de cinéma.
Le romantisme discret de Paris change pourtant d'aspect lorsqu'on se concentre sur les détails. Voici quelques-uns des ravages du temps, lorsqu'on regarde les immeubles à un mètre de distance.
Le sol est craquelé, la base des murs s'effrite.
La peinture s'écaille. Des motifs propices à l'imagination des passants recouvrent ainsi la façade.
J'ai parlé ailleurs de l'âne de la rue Férou.
De mystérieux trous parsèment les façades, comme des lucarnes qui donnent sur un mur.
Enfin, on peut déchiffrer des affiches à moitié décomposées. Leur contenu achève d'en faire des objets d'archéologie. Elles commémorent la mort de Louis XVI ou dénoncent la fête païenne d'Halloween.
Tout ceci se passe dans l'une des plus petites rues de la ville. On pourrait faire la même enquête sur n'importe quel trottoir parisien.
Cette histoire se poursuit deux ans après : retour dans la rue Férou, décembre 2006.
Publié par thbz (août 06, 2004) | Commentaires (14)
06 août 2004 - Paris - (lien permanent)
Sophie Calle à Saint-Sulpice
C'est une curiosité. Je suis tombé dessus par hasard. J'aimerais en savoir plus. Une recherche sur Google, avec les termes "Saint-Sulpice" et "Sophie Calle", ne donne rien, sauf ce site hongrois que je ne sais pas déchiffrer. Voici de quoi il s'agit.
Sophie Calle est une artiste spécialisée dans des expériences un peu particulières. Elle a par exemple payé un détective privé pour la suivre. Elle a suivi un homme à Venise. Elle s'est fait embaucher comme domestique dans un grand hôtel. Elle en a ramené des carnets de photos ou des témoignages, que l'on a pu voir par exemple lors d'une rétrospective au Centre Pompidou au début de 2003.
Or j'ai trouvé dans l'église Saint-Sulpice, à Paris, une plaque en marbre qui parle d'elle. Je ne sais pas qui l'a commandée : elle-même, un de ses amis, un admirateur ? Peut-être ignore-t-elle elle-même qu'un ex-voto célèbre son cinquantième anniversaire dans l'une des plus grandes églises de Paris. Je peux juste montrer une photographie de cette inscription et proposer une traduction approximative en faisant appel à mes souvenirs de latin :
Le neuf octobre 1953, Sophie Calle est descendue sur la terre, illuminant tous les arts de son flambeau. Après cinquante ans, la seule clarté qui demeure est celle de la vanité.
Voici l'ex-voto :
Pour une image un peu plus détaillée, cliquez ici.
L'inscription se trouve dans une chapelle consacrée à Saint-Joseph, dont la statue est couverte d'inscriptions manuscrites qui implorent le saint ou le remercient pour l'aide qu'il a apportée.
Mise à jour, décembre 2006 : la plaque a disparu ! L'église a rejeté ce greffon dont l'humour convenait mal à la spiritualité des lieux. D'après une rapide recherche sur Google, seul ce blog évoque cette affaire : les responsables de l'église seraient-ils passés sur cette page ? Désolé pour Patricia, que j'ai envoyée par erreur à la poursuite de Sophie Calle.
Publié par thbz (août 06, 2004) | Commentaires (6)
06 août 2004 - Asie - Cinéma - (lien permanent)
Un film indien : Jism
Jism ("Fatale attraction" en français) sort de l'ordinaire des films de Bollywood. Contrairement à Kaho Naa... Pyaar Hai que j'ai vu avant-hier, le réalisateur a une vraie ambition. Il crée une atmosphère de film policier vénéneux sur le thème du mari, de la femme et de l'amant. Le scénario est très bon car il s'agit d'une reprise de Double indemnity de Billy Wilder. On peut toutefois difficilement parler de film noir, car l'histoire a été transposée à Pondichéry, il fait très chaud, et les couleurs sont magnifiques sous une lumière très travaillée.
Le film, qui est sorti au début de 2003 en Inde, a introduit dans le cinéma indien une nouvelle tendance sexuellement explicite. Les relations sexuelles des personnages sont explicites dans le scénario ; sur l'écran, bien sûr, seuls les préliminaires sont montrés, mais la musique, les regards fous de désir des personnages et les soubresauts de la caméra révèlent ce qui est voilé. Dans l'une des premières scènes du film, l'actrice (sublime Bipasha Basu) regarde même fugitivement la caméra et donc le spectateur, comme Harriet Andersson dans Monika.
Les deux ou trois chansons indispensables sont présentes. Le réalisateur n'a pas voulu sortir de Bollywood, mais créer une nouvelle tendance au sein du système.
Publié par thbz (août 06, 2004) | Commentaires (1)
août 05, 2004
05 août 2004 - Asie - Cinéma - (lien permanent)
Un film indien : Kaho Naa... Pyaar Hai
La grande nouveauté de l'année 2004 dans les cinémas parisiens, c'est l'arrivée des films indiens de Bollywood. Après quelques sorties isolées de grosses productions comme Lagaan et Devdas, on peut voir désormais des films plus anciens ou moins ambitieux. Le cinéma MK2 Bibliothèque en présente quelques-uns. J'ai vu ce soir Kaho Naa... Pyaar Hai (lien sur l'IMDb), traduit en français par « Avoue que tu m'aimes ».
En France, beaucoup de spectateurs viennent voir ces films uniquement pour en rire. C'est ce goût du second degré qui a tué le cinéma d'horreur dans les années 90, jusqu'à Scream qui a dressé l'acte de décès du genre. Ici, donc, les gens n'y croient pas. Lorsque le film passe de la romance larmoyante au film policier, puis au concert filmé, les spectateurs français s'esclaffent. J'ai raconté ailleurs comment se passe une séance dans une salle de cinéma indienne : les ruptures de ton ne surprennent pas car la séance de cinéma est un spectacle complet. Ce n'est pas une œuvre cohérente à contempler, mais un moment à vivre en groupe devant un écran.
Kaho Naa... Pyaar Hai n'est pas un grand film. La mise en scène n'est pas assez somptueuse, l'histoire est trop banale, la jeune première manque de relief. Pour une initiation au cinéma indien, il vaudrait mieux voir par exemple Devdas ou mieux encore Pakeezah, choc fondateur qui m'a dévoilé la richesse du cinéma indien.
Toutefois, même dans un film moyen comme celui-ci, certains aspects peuvent intéresser le spectateur occidental curieux :
- un gag dans lequel deux hommes subtilisent des tenues de soirée pour aller à une fête sur un yacht. Or les costumes appartiennent à des prestidigitateurs. A la grande surprise des deux voleurs, des rubans, des pigeons, des jeux de cartes jaillissent de leurs poches à chacun de leur geste.
- l'acteur masculin principal, Hrithik Roshan. On a pu le voir il y a quelques mois dans Une famille indienne. C'est un excellent danseur, très tonique. Il est surtout exceptionnellement beau. Comme Gary Cooper au début des années 30 ou Joe Dallessandro à la fin des années 60, il est tellement beau qu'on a du mal à le prendre au sérieux comme acteur. Sa biographie sur l'IMDb raconte que certains voient en lui Sylvester Stallone, Brad Pitt and Michael Jackson réunis en une seule personne. C'est assez juste. Quelques semaines après la sortie de ce film, il aurait reçu 30 000 demandes en mariage le jour de la Saint-Valentin. C'est aujourd'hui l'une des trois ou quatre plus grandes stars masculines d'Inde, et donc du monde. Les autres sont Amitab Bachchan (Une famille indienne), Shahrukh Khan (Devdas, Une famille indienne) et Amir Khan (Lagaan).
- les sociétés placent leurs marques dans les films indiens comme dans les films occidentaux. Coca-Cola est omniprésent, à un point qu'un spectateur occidental supporterait mal : les personnages commandent du Coca dans un café et un concert est sponsorisé par Coca-Cola qui dispose des publicités énormes au bord de la scène. Les bouteilles sont toujours parfaitement cadrées, de manière à être bien visibles sans cacher les personnages.
Publié par thbz (août 05, 2004) | Commentaires (736)
août 03, 2004
03 août 2004 - Asie - Paris - (lien permanent)
Zhou Enlai et les touristes
Rue Godefroy, à vingt mètres de la place d'Italie, j'aperçois un groupe de touristes chinois. C'est pourtant la rue la moins pittoresque d'un quartier qui n'a rien de touristique : des immeubles bas et inégaux, un bar populaire, un hôtel sans charme. On n'est même pas dans le quartier chinois, où chaque jour des cars de touristes asiatiques viennent regarder avec curiosité un bout de Chine en plein Paris.
En m'approchant, je comprends ce qu'ils viennent faire. Bien avant les vagues d'immigration des années 70 et 80 qui ont créé le quartier indochinois du 13ème arrondissement, quelques étudiants sont venus à Paris au début des années 20. Zhou En Lai a vécu ici pendant deux ans. Il y a créé la section française du parti communiste chinois avant de repartir conquérir la Chine avec Mao.
Un voyagiste chinois a donc inscrit sur ses parcours parisiens ce pélerinage à la rue Godefroy. Hier peut-être, ils sont allés à Versailles ; tout à l'heure ils visiteront le Louvre. Ce matin c'est devant une plaque consacrée à un révolutionnaire communiste que les touristes viennent se prendre en photo, les uns après les autres, consciencieusement.
Publié par thbz (août 03, 2004) | Commentaires (0)
03 août 2004 - Graffiti - Paris - (lien permanent)
L'âne de la rue Férou
Vu dans la rue Férou, à côté de la place Saint-Sulpice à Paris, cet accident de la peinture auquel la main d'un passant inconnu a donné un sens inattendu.
Trois coups de crayon se combinent aux dégradations du temps. Impossible de distinguer ce que l'homme a recréé de ce que le temps a abîmé.
(merci à Sébastien, qui m'a parlé de cet âne)
Publié par thbz (août 03, 2004) | Commentaires (0)
août 01, 2004
01 août 2004 - Divers - (lien permanent)
Petites annonces matrimoniales dans un journal indien
Dans un journal indien anglophone lu à la bibliothèque du Centre Pompidou, les annonces matrimoniales occupent huit grandes pages. Elles sont classées par caste, par langue, par profession, par religion. Les annonces mentionnent uniquement des critères objectifs, que ce soit dans la description de celui qui passe l'annonce ou dans les caractéristiques qu'il recherche chez l'époux éventuel : profession (hautes technologies ou fonctionnariat), origine familiale (high status family), beauté (extremely beautiful, slim), âge, intelligence (smart). La personnalité et les sentiments ne sont jamais évoqués : on ne recherche pas un homme sensible ou une femme aimante, on ne cherche pas à partager la pratique d'un sport ou d'une activité culturelle, le goût des sorties entre amis ou, au contraire, des soirées télé n'est jamais une condition.
A la fin de la rubrique, un grand encart rédigé par le journal lui-même dit en gros caractères : religion no bar, la religion n'est pas un obstacle. Le journal fait une remise de 10% sur les annonces qui ne mentionnent pas de critères sociaux tels que la caste et la religion.
Publié par thbz (août 01, 2004) | Commentaires (4)